Le Grand Charles. Lundi 27 et mardi 28 mars, 20 h 50 sur France 2 Affronter la statue du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, oser un regard artistique Longtemps, Bernard Stora n'y songea nullement, pas plus qu'il n'eut l'idĂ©e de s'intĂ©resser Ă un hĂ©ros de l'histoire contemporaine. D'ordinaire, les reconstitutions au cinĂ©ma ou Ă la tĂ©lĂ©vision me laissent perplexe. Il y rĂšgne une telle solennitĂ© ! La phrase la plus simple prend un poids dĂ©mesurĂ©, comme si les personnages engageaient Ă chaque instant le destin du pays, comme s'ils savaient d'avance ce que l'Histoire dirait d'eux. Or, justement, ils ignorent tout de ce que l'avenir leur rĂ©serve. Ils rĂ©agissent dans l'instant. C'est ce prĂ©sent de l'Histoire que je trouvais intĂ©ressant de capter. » Il a fallu Ă l'audacieux Stora l'ambition et le soutien du producteur Jean-Pierre GuĂ©rin, pour se tenir Ă l'Ă©cart de ces fantĂŽmes murmurant que l'entreprise Ă©tait impossible. Il existe, autour de l'image de De Gaulle, quelque chose de sacrĂ©, poursuit le rĂ©alisateur. Comme s'il s'agissait de reprĂ©senter Dieu ! Jean-Pierre Melville lui-mĂȘme, dans un film aussi formidable que L'ArmĂ©e des ombres, ne le montre que furtivement, au dĂ©tour d'un plan, tel un spectre. Peut-ĂȘtre le GĂ©nĂ©ral fiche-t-il aussi une sainte trouille aux comĂ©diens. L'acteur est confrontĂ© sans cesse Ă son modĂšle, par le biais des archives. » Ce miroir insistant, Bernard Stora et le comĂ©dien Bernard Farcy ont dĂ» l'affronter avec Le Grand Charles, quelques annĂ©es aprĂšs le duo Claude Goretta et Claude Rich face Ă LĂ©on Blum ou Jean-Daniel Verhaeghe et Philippe Torreton avec JaurĂšs. Lorsque l'on s'empare d'une figure historique, le principal piĂšge est la caricature, sur le fond comme dans la maniĂšre d'aborder le travail avec l'acteur, analyse Claude Goretta, qui dirigea Ă©galement Jacques Villeret dans le rĂŽle de Georges Mandel. Il ne s'agit pas de peindre une icĂŽne mais de rendre compte de la complexitĂ© de l'ĂȘtre humain en laissant exister les zones d'ombre. L'honnĂȘtetĂ© consiste Ă ne pas oublier les erreurs, les Ă©checs, les mauvais choix du personnage et Ă essayer de comprendre d'oĂč sont venues ses idĂ©es, ses actes.» Une forme de subjectivitĂ© Avec ce Grand Charles, que France 2 diffuse en deux Ă©pisodes ces lundi et mardi Ă 20 h 50, Bernard Stora assume une forme de subjectivitĂ© appuyĂ©e sur trois annĂ©es de documentation patiente et rigoureuse. Ă travers les propres MĂ©moires du GĂ©nĂ©ral, le journal de Claude Mauriac, celui de Claude Guy et bien des rĂ©cits de proches ou de familiers, j'ai pu me faire une idĂ©e des tournures de pensĂ©e, des tics de langage, des gestes quotidiens, des rituels le cafĂ©, le cigare ou la cigarette, la volaille que de Gaulle dĂ©coupait lui-mĂȘme. Autant de piĂšces incomplĂštes, certes, mais qui formaient un dessin suffisammentprĂ©cis pour me permettre de reconstituer mentalement l'ensemble du puzzle. Tout ce que j'ai Ă©crit n'est pas exact au dĂ©tail prĂšs mais tout est vraisemblable. » En abordant un passage mĂ©connu et plus intĂ©rieur de l'existence du GĂ©nĂ©ral, sa traversĂ©e du dĂ©sert de 1946 Ă 1958, Bernard Stora a sans doute esquivĂ© le piĂšge des comparaisons faciles en ouvrant l'imaginaire du tĂ©lĂ©spectateur que se passait-il alors derriĂšre les grilles de La Boisserie ? Il s'est Ă©loignĂ© de la reprĂ©sentation du mythe pour livrer un regard inĂ©dit sur les rĂ©actions supposĂ©es du grand homme, dans sa solitude. Pour entrer dans un personnage historique, il faut trouver une thĂ©matique, tenter de rĂ©soudre une Ă©nigme, confirme Claude Goretta. Pour Mandel, par exemple, je me suis demandĂ© pourquoi il n'avait pas acceptĂ© d'aller organiser la RĂ©sistance Ă Londres alors qu'il avait Ă©tĂ© sollicitĂ© Ă deux reprises. » Il ne serait donc pas si compliquĂ© de relater Ă l'Ă©cran la vie de nos grands hommes pour livrer, par la fiction, un tĂ©moignage Ă haute portĂ©e pĂ©dagogique. Pourtant la raretĂ© des films Ă la tĂ©lĂ©vision comme au cinĂ©ma en la matiĂšre semble indiquer le contraire Je ne crois pas que les rĂ©sistances, lorsqu'elles se manifestent, soient forcĂ©ment liĂ©es Ă des causes idĂ©ologiques, estime Jacques Kirsner, producteur de JaurĂšs, de LĂ©on Blum mais aussi du PĂ©tain de Jean Marboeuf, au cinĂ©ma. DerriĂšre les prĂ©ventions d'usage, se cachent le conformisme ambiant, l'inculture que l'on projette sur le public. » Bernard Stora a relevĂ© le dĂ©fi souhaitĂ© par France 2. Avec le talent d'un authentique crĂ©ateur. Il suffit qu'on Ă©voque de Gaulle pour que quelqu'un lĂšve les deux bras et brame ''Je vous ai compris !'' Notre parti Ă©tait de crĂ©er un personnage de fiction, nommĂ© de Gaulle, moins attendu et dotĂ© d'une certaine autonomie pour que le spectateur le retrouve avec plaisir. Sans qu'il ait Ă se demander s'il est ou non bien imitĂ©. » Bruno BOUVET*** Une rĂ©ussite du service public De la belle tĂ©lĂ©vision de service public. Une oeuvre intelligente qui remplit sa mission pĂ©dagogique sans rien cĂ©der Ă l'exigence de dialogues littĂ©raires et Ă la qualitĂ© de la reconstitution historique. Ă l'unisson du jury du Festival international de programmes audiovisuels de Biarritz - le Cannes » de la tĂ©lĂ©vision -, qui lui a dĂ©cernĂ©, en janvier dernier, deux prestigieuses rĂ©compenses, on n'en finirait pas d'accorder les plus hauts galons au Grand Charles de Bernard Stora et Ă ses comĂ©diens Bernard Farcy, Ă©videmment, mais aussi DaniĂšle Lebrun savoureuse dans le rĂŽle d'Yvonne, Denis PodalydĂšs, Thierry Hancisse Faut-il vraiment parler de docu-fiction au sujet de cette mini-sĂ©rie en deux Ă©pisodes ? Non. Aux antipodes du mĂ©lange hybride qui est souvent la marque de ce nouveau genre tĂ©lĂ©visuel, nous voilĂ en prĂ©sence d'une authentique fiction, mĂȘlant les images d'archives sans aucune fausse note. Le rĂ©alisateur y ajoute un commentaire personnel qui Ă©claire le tĂ©lĂ©spectateur sur les Ă©vĂ©nements et l'aide Ă ne jamais perdre le fil de l'Histoire. La grande, bien sĂ»r, de la dĂ©mission de 1946 au retour au pouvoir en 1958, mais aussi la petite, qui permet de cerner la personnalitĂ© du gĂ©nĂ©ral. De ce point de vue, le premier Ă©pisode, diffusĂ© lundi soir, est une petite merveille. ConfrontĂ© Ă une solitude inĂ©dite, le militaire manifeste une ironie caustique, une misanthropie grandissante qui traduisent sa volontĂ© profonde de revenir aux affaires
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Câest pourquoi on pouvait ĂȘtre Ă la fois Ă©tonnĂ© et inquiet de voir Disney+ investir dans une mini-sĂ©rie autour du meurtre raciste de Malik Oussekine, Ă©tudiant dâorigine algĂ©rienne frappĂ© Ă mort par des policiers alors quâil rentrait tranquillement chez lui. Si cet Ă©vĂ©nement tragique a bouleversĂ© la France de Mitterrand, on sâest habituĂ© aux fictions lĂąchement spectaculaires et larmoyantes sur ces affaires devenues des symboles nationaux, que ce soit sur TF1, M6 ou France TĂ©lĂ©visions. On en vient dâailleurs Ă se demander pourquoi Oussekine nâest pas passĂ© par ce canal logique, Ă moins que ce ne soit dĂ» Ă la sensibilitĂ© de son sujet, malheureusement plus actuel que jamais. Un drame toujours aussi actuel En tout cas, cette frilositĂ© supposĂ©e profite grandement au passage de la crĂ©ation dâAntoine Chevrollier rĂ©alisateur de plusieurs Ă©pisodes du Bureau des lĂ©gendes et de Baron Noir du cĂŽtĂ© de Mickey, car son ambition sâen voit dĂ©cuplĂ©e. Au-delĂ de la qualitĂ© indĂ©niable de sa reconstitution Ă©paulĂ©e par une photographie habile, toute en teintes pastel et en lumiĂšres diffuses, Oussekine a quelque chose de presque cotonneux, tel le souvenir un peu flou dâune Ă©poque fantasmĂ©e Ă la fois par le spectateur et par son protagoniste, persuadĂ© de lâĂ©galitĂ© des chances promise par une nation inclusive. Au retour dâun concert de jazz auquel le jeune Malik Sayyid El Alami se rend avec le sourire jusquâaux oreilles, le doux nuage devient soudainement brouillard. VoilĂ la grande idĂ©e dâOussekine ne pas nous montrer tout de suite la mort tragique de Malik, poursuivi sur plusieurs rues par des policiers voltigeurs. Le raccord est fait sur ses frĂšres Mohamed et Benamar Tewfik Jallab et Malek Lamraoui et ses sĆurs Sarah et Fatna Mouna Soualem et Naidra Ayadi, qui comprennent dĂšs le lendemain matin que quelque chose cloche. Hiam Abbass, absolument parfaite en mĂšre dĂ©soeuvrĂ©e Trauma intime et collectif Par ce hors-champ tĂ©tanisant, la sĂ©rie investit un vide celui de lâattente insoutenable de rĂ©ponses claires. La mort est Ă peine confirmĂ©e quâil faut dĂ©jĂ envisager la gestion des mĂ©dias et lâampleur Ă venir de cette injustice. Chevrollier et ses scĂ©naristes ont lâintelligence de centrer leur premier Ă©pisode uniquement sur cette journĂ©e infernale, oĂč la fratrie Oussekine est sĂ©parĂ©e, envoyĂ©e aux quatre coins de Paris avant de se rassembler dans un dernier plan dĂ©chirant. De la sorte, le point de vue de la mise en scĂšne Ă©vite soigneusement de juste traduire un drame national et sa rĂ©cupĂ©ration politique. Pour sĂ»r, la sĂ©rie met en avant sa nĂ©cessitĂ©, notamment Ă travers le soutien des Ă©tudiants, mais nâen oublie jamais sa dimension obscĂšne, jusquâau "geste" calculĂ© dâun prĂ©sident venu prĂ©senter ses condolĂ©ances en envahissant lâespace de vie de cette famille dont on a arrachĂ© lâun des fils. Un plan qui frappe en plein coeur Il y a ainsi une richesse miraculeuse dans les quatre Ă©pisodes dâOussekine, dont la sobriĂ©tĂ© affichĂ©e pourrait se rĂ©duire Ă retranscrire les divers Ă©vĂ©nements dâune affaire Ă©talĂ©e sur quatre ans. Au contraire, la camĂ©ra nâen oublie jamais la douleur de cette famille, qui sert de pivot au travers dâune rĂ©alisation qui Ă©pouse avec justesse et pudeur leur subjectivitĂ©. Câest dans certains raccords que la sĂ©rie trouve ses meilleurs moments, lorsque ces regards endeuillĂ©s se voient dĂ©passĂ©s par lâhorreur dâun racisme institutionnalisĂ©. On pense en particulier Ă cet appel glaçant dans une cabine tĂ©lĂ©phonique, qui amĂšne Ă dĂ©couvrir un kiosque Ă journaux arborant la une diffamatoire de Minute. Marche funĂšbre Assassins de la police Les proches de Malik nâont jamais voulu que cette affaire atteigne un tel degrĂ© de mĂ©diatisation, mais le simple devoir de justice se retrouve embarquĂ© malgrĂ© lui dans un questionnement profond sur lâidentitĂ© morale de la France. Mais le pire dans tout ça, câest que cet Ă©lan Ă©tourdissant est contrastĂ© par la structure globale de la mini-sĂ©rie, qui ne cesse de se moduler autour de celle de son premier Ă©pisode. Tout est dans lâattente et la stagnation, Ă cause des coulisses dâun gouvernement qui fait tout pour mettre des bĂątons dans les roues des tribunaux. Oussekine fonctionne donc sur une suite dâĂ -coups et de flashbacks plutĂŽt bien sentis, y compris en ce qui concerne la reconstitution du meurtre de Malik. On pourrait reprocher Ă la sĂ©rie le suspense un peu puant quâelle essaie de façonner autour de sa monstration, mais en distillant le temps de la sorte, elle fait de ce choc une sorte de fantĂŽme, qui se rĂ©pand dans et en dehors des Ă©pisodes pour mieux reflĂ©ter sa terrible actualitĂ©. Nous devant la sĂ©rie En jouant sur lâinsatisfaction de sa conclusion, Antoine Chevrollier nous renvoie en pleine face la maniĂšre dont lâaffaire Oussekine sert plus que jamais de jurisprudence en ce qui concerne le traitement de la violence policiĂšre, alors que les dĂ©cĂšs de RĂ©mi Fraisse et dâAdama TraorĂ© rĂ©sonnent indirectement sur ses images reproduisant lâannĂ©e 1986. En rĂ©sulte une sĂ©rie qui sait canaliser sa colĂšre et son dĂ©sespoir, comme ses personnages brillamment incarnĂ©s. Il convient dâailleurs de souligner le prestige dâun casting cinq Ă©toiles, de Kad Merad Ă Olivier Gourmet en passant par Hiam Abbass, dont les performances Ă©lĂšvent une mise en scĂšne exigeante, surtout dans un Ă©pisode final de procĂšs qui Ă©vite les nombreux piĂšges du genre. Jusque dans sa derniĂšre ligne droite, la mini-sĂ©rie de Disney+ se montre exemplaire, et trouve le juste Ă©quilibre entre le devoir de mĂ©moire et le rĂ©cit intime sans jamais paraĂźtre intrusive. Paradoxalement, câest en parvenant Ă conserver cette distance quâOussekine Ă©voque une France Ă lâhypocrisie systĂ©mique, oĂč les termes "libertĂ©, Ă©galitĂ© et fraternitĂ©" sont depuis trop longtemps dĂ©nuĂ©s de sens. Oussekine est disponible en intĂ©gralitĂ© sur Disney+ depuis le 11 mai 2022 RĂ©sumĂ© Bien loin du tĂ©lĂ©film "Ă la France 2" quâon aurait pu craindre, Oussekine est une reconstitution bouleversante, qui nâoublie jamais de garder les tourments de cette famille au cĆur de sa dĂ©marche artistique. Une grande rĂ©ussite, dont la densitĂ© de lâĂ©criture permet de traiter en substance dâune France toujours aussi dĂ©boussolĂ©e. Newsletter Ecranlarge Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Ăcran Large. Vous n'ĂȘtes pas d'accord avec nous ?Raison de plus pour vous abonner ! Je soutiens la libertĂ© critique articles liĂ©s IltJT4i. 42 106 331 240 95 115 7 301 86