2PremiĂšre ConfĂ©rence internationale de service social (Paris, 8-13 juillet 1928), Paris, 1928, 3 vol ; 5 Il est rare dâailleurs que, dĂšs lors que les techniques sont Ă©voquĂ©es, les valeurs ou lâidĂ©al ne le soient aussi et le plus souvent dans lâordre de lâinquiĂ©tude, comme dĂ©jĂ en 1928 au cours de la premiĂšre ConfĂ©rence internationale de service social, premier grand
PubliĂ© le 24/08/2022 Ă 1616, Mis Ă jour le 24/08/2022 Ă 1625 François Bayrou condamne les hurlements et les insultes qui polluent les dĂ©bats Ă l'AssemblĂ©e nationale». Jean-Christophe Marmara / Le Figaro Je ne crois pas qu'une telle crise puisse ĂȘtre surmontĂ©e sans un immense effort national. Or l'idĂ©e mĂȘme d'un effort national semble souvent s'ĂȘtre effacĂ©e», affirme François Bayrou. Le prĂ©sident du MoDem François Bayrou estime, dans un entretien au Point publiĂ© mercredi 24 aoĂ»t, que la France va vers la crise la plus grave» qu'elle ait connue depuis la guerre», et qui ne pourra ĂȘtre surmontĂ©e sans un immense effort national».Cette prise de parole intervient le jour du Conseil des ministres de rentrĂ©e, au cours duquel Emmanuel Macron a une nouvelle fois insistĂ© sur la gravitĂ© des enjeux face Ă la sĂ©rie de crises graves» sur le plan mondial, du conflit en Ukraine au dĂ©rĂšglement climatique.Effort national effacé»Mon sentiment profond est que nous allons vers la crise la plus grave que la France ait connue depuis la guerre», peut-ĂȘtre pire mĂȘme que la guerre d'AlgĂ©rie» 1954-1962, estime François Bayrou au Point. Je ne crois pas qu'une telle crise puisse ĂȘtre surmontĂ©e sans un immense effort national. Or l'idĂ©e mĂȘme d'un effort national semble souvent s'ĂȘtre effacĂ©e», juge le responsable centriste, Ă©galement Haut-Commissaire au Plan.J'ai parfois l'impression que le monde politique lui-mĂȘme ne se rend pas compte de ce qui vient, vu les hurlements et les insultes qui polluent les dĂ©bats Ă l'AssemblĂ©e nationale», juge le patron du MoDem, alliĂ© au parti prĂ©sidentiel au sein d'une majoritĂ© relative Ă l'AssemblĂ©e. Sur le plan international, François Bayrou cite le conflit en Ukraine, le risque de crise alimentaire notamment en Afrique, les tensions raciales aux Ătats-Unis, la situation en Chine ou encore les Ă©lections en Italie, oĂč la cheffe du parti d'extrĂȘme droite Fratelli d'Italia Giorgia Meloni est en tĂȘte des sondages en vue des lĂ©gislatives du 25 septembre.NĂ©cessitĂ© d'une mutation»Il Ă©voque Ă©galement les problĂ©matiques liĂ©es Ă la transition Ă©nergĂ©tique, la trĂšs forte inflation» et la question du dĂ©sĂ©quilibre de nos finances», dont plus personne dans l'opinion publique ne paraĂźt avoir vraiment conscience». Emmanuel Macron, assure François Bayrou, n'Ă©ludera aucune des questions cruciales de notre avenir». Il se situe d'avantage dans la question du moyen et du long terme que dans la gestion de l'immĂ©diat».Ă lire aussiĂdouard Philippe et François Bayrou, deux alliĂ©s de retour au premier planFrançois Bayrou rĂ©affirme par ailleurs le rĂŽle politique, plus indĂ©pendant et Ă l'initiative» que doit avoir selon lui le premier ministre dans cette nouvelle configuration politique, comme il l'avait fait au lendemain des lĂ©gislatives, ce qui avait Ă©tĂ© perçu comme une critique du profil d'Ălisabeth Borne. Je crois qu'Ălisabeth Borne, intelligente et volontaire, l'a compris et qu'elle expĂ©rimente la nĂ©cessitĂ© de cette mutation», a-t-il VOIR AUSSI - Guerre en Ukraine la troisiĂšme guerre mondiale est une vraie menace», estime François Bayrou François Bayrou voit arriver la crise la plus grave que la France ait connue depuis la guerre» S'ABONNERFermerS'abonner AprĂšsdes rumeurs incessantes, c'est la crĂ©atrice qui s'est chargĂ©e de le confirmer via son compte Instagram, affirmant qu'aucune relation n'est un lit de Elena Tablada et Javier UngrĂa ont rompu leur relation aprĂšs six ans ensemble, quatre d'entre eux se sont mariĂ©s, en plus d'avoir une fille en communCamila, nĂ©e en avril 2020. TLFi AcadĂ©mie9e Ă©dition AcadĂ©mie8e Ă©dition AcadĂ©mie4e Ă©dition BDLPFrancophonie BHVFattestations DMF1330 - 1500 IDĂE, subst. A. â Ce que l'esprit conçoit ou peut Tout ce qui est reprĂ©sentĂ© dans l'esprit, par opposition aux phĂ©nomĂšnes concernant l'affectivitĂ© ou l'action. Les hommes ont des images avant d'avoir des idĂ©es; ils voient les corps avant de connoĂźtre les esprits Bonald, LĂ©gisl. primit., t. 1, 1802, p. 251.La danse est aussi rĂ©vĂ©lation et langage, car elle provoque inconsciemment ou rĂ©vĂšle volontairement des Ă©tats, des idĂ©es ou des sentiments intraduisibles par des mots Bourgat, Techn. danse,1959, p. 10.⊠Avoir l'idĂ©e reprĂ©senter. On a l'idĂ©e de point en considĂ©rant la marque faite sur une feuille de papier avec une aiguille ou la pointe d'un crayon bien taillĂ© Roux, Miellou, GĂ©om.,1946, p. 7 1. Dans les dessins, la fragmentation dĂ©voile la complexitĂ© de nos reprĂ©sentations les plus simples. L'idĂ©e que nous avons d'une harpe est la combinaison d'une grande quantitĂ© d'Ă©lĂ©ments images visuelles de bois dorĂ© pour le cadre, de lignes parallĂšles pour les cordes, de spirale comme ornement, d'images auditives, d'impressions personnelles, etc. Un enfant mis en prĂ©sence du dessin d'une harpe n'y voit rien d'autre que des Ă©lĂ©ments simples. Warcollier, TĂ©lĂ©pathie,1921, p. [Point de vue de la qualitĂ©, de la forme de l'idĂ©e] Avoir, se faire l'/une idĂ©e claire, complĂšte, exagĂ©rĂ©e, prĂ©cise de qqc. ou de qqn. Si l'on dĂ©couvrait ce journal, il donnerait de moi une idĂ©e fort inexacte, car je n'y mets guĂšre que ma vie extĂ©rieure Green, Journal,1936, p. 58 2. L'Empereur expliquait la nettetĂ© de ses idĂ©es et la facultĂ© de pouvoir, sans se fatiguer, prolonger Ă l'extrĂȘme ses occupations, en disant que les divers objets et les diverses affaires se trouvaient casĂ©s dans sa tĂȘte comme ils eussent pu l'ĂȘtre dans une armoire. Las Cases, MĂ©mor. Ste-HĂ©lĂšne, t. 2, 1823, p. Concevoir, exprimer, se former une idĂ©e approximative, complexe, concrĂšte, confuse, distincte, imparfaite, insuffisante, nette, sommaire, superficielle, vraie; faible, vague idĂ©e; idĂ©e d'ensemble.â ReprĂ©sentation Ă©lĂ©mentaire, sommaire. Synon. aperçu, donner, se faire une idĂ©e de qqc. ou de qqn; ces chiffres suffisent Ă donner une idĂ©e de; vous avez une idĂ©e de ce que cela peut ĂȘtre? Vous pouvez avoir une idĂ©e de mon ouvrage et de son Ă©tendue en jetant un regard sur la couverture que je joins Ă ma lettre Balzac, Corresp.,1843, p. 600.Elle Ă©tait venue, comme ça, en passant, regarder les couronnes, pour se faire une idĂ©e. Elle demandait les prix Aragon, Beaux quart.,1936, p. 127.V. fĂ©minin ex. 7 3. La nature a percĂ© plusieurs rochers du globe, pour y faire passer des veines d'eau et des filons de mĂ©tal .... Pour donner une idĂ©e de ces aqueducs souterrains, je dirai deux mots de celui que j'ai vu Ă l'Ile-de-France. Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 225.â Loc. diverses⊠Ne pas avoir l' idĂ©e, n'avoir aucune, nulle idĂ©e, ne pas avoir la premiĂšre, la plus lĂ©gĂšre, la plus petite idĂ©e de qqc. Ne pas connaĂźtre, ignorer totalement. Ceux qui le poursuivent exigent de cet homme qu'il Ă©prouve des sentiments dont il n'a mĂȘme pas l'idĂ©e Mauriac, Journal 2,1937, p. 140.Vous ne l'avez pas vu?... Vous n'avez pas la moindre idĂ©e de l'endroit oĂč je pourrais le joindre? Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 82 4. On proclama la rĂ©publique romaine du haut du Capitole, mais il n'y avait de rĂ©publicains dans la Rome de nos jours que les statues; et c'Ă©tait n'avoir aucune idĂ©e de la nature de l'enthousiasme que d'imaginer qu'en le contrefaisant on le ferait naĂźtre. StaĂ«l, Consid. RĂ©vol. fr., t. 1, 1817, p. 511.⊠Avoir, se faire l'/une idĂ©e de qqc. Imaginer. Donner une idĂ©e de qqc. Le faire concevoir, imaginer. Je pense souvent aux gens qui ont passĂ© des annĂ©es dans les cages de fer des prisons, au Moyen Ăge, et je me fais un peu idĂ©e de leurs souffrances parce que je sais ce que c'est qu'une insomnie Aragon, Beaux quart.,1936, p. 478.J'ai idĂ©e des difficultĂ©s que vous avez rencontrĂ©es Lexis 1975.[Le plus souvent Ă la forme nĂ©gative, p. exagĂ©r.] On ne peut, on ne saurait avoir, donner, se faire l'idĂ©e de; vous n'avez pas idĂ©e comme c'est agaçant, combien je suis heureux. Vous ne vous faites pas une idĂ©e de l'aplomb de ces gens-lĂ ! Zola, E. Rougon,1876, p. 202.On n'a pas idĂ©e oĂč la vanitĂ© d'une maĂźtresse de maison peut se nicher Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 24.Abs. Toute la journĂ©e attachĂ© lĂ , et rien, absolument rien Ă faire! Au dĂ©but les heures me paraissaient longues, longues, tu n'as pas idĂ©e Martin du G., Thib., PĂ©nitenc., 1922, p. 714.Ne pas avoir, se faire d'/l'idĂ©e de qqc. vieilli. De loin nous ne nous faisons pas d'idĂ©e de ce que c'est que l'autoritĂ© d'un despote qui connaĂźt de vue tous ses sujets Stendhal, Chartreuse,1839, p. 264.V. agile ex. 34.⊠à la forme nĂ©gative, fam. [Pour exprimer la surprise, l'Ă©tonnement devant l'invraisemblance d'une chose, d'une action] On n'a pas idĂ©e ou a-t-on idĂ©e de + inf. ou subst..Il n'est pas concevable d'agir ainsi. On n'a pas idĂ©e de ça! On n'a pas idĂ©e d'une folie pareille! grommela la vieille dame. Se faire du mal pour du papier imprimĂ©! Miomandre, Ăcrit sur eau,1908, p. 138.Vous devriez avoir honte de parler d'un dĂ©goĂ»tant qui a Ă©tĂ© rĂ©voquĂ© pour mĆurs, espĂšce de dĂ©vergondĂ©e. A-t-on idĂ©e de faire rougir une femme de mon Ăąge! Ăa ne vous portera pas bonheur Bernanos, Crime,1935, p. 816.V. apprendre ex. fam. On n'a pas idĂ©e! A-t-on idĂ©e? Est-ce possible? J'ai vu une Anglaise qui a passĂ© quelques jours chez des voisins Ă eux; on n'a pas idĂ©e!... Elle se promĂšne dans son jardin presque toute nue H. Bataille, Maman Colibri,1904, IV, 1, p. 27.Je suis celle qui est lĂ pour t'empĂȘcher de mourir, comme tu dis! de mourir, a-t-on idĂ©e! Claudel, Ăchange,1954, II, p. 763.⊠Fam. Avoir l'idĂ©e que, avoir comme une idĂ©e que, plus cour. avoir idĂ©e que. Avoir l'impression, croire, s'imaginer, penser que. J'ai toujours eu l'idĂ©e que vous arriveriez par moi aux honneurs et Ă la fortune Scribe, Camaraderie,1837, III, 6, p. 300.Mon cher Berthier, j'ai l'idĂ©e que le ministĂšre tombera au dĂ©but de la session A. France, Lys rouge,1894, p. 333.Il s'est mis tout le monde Ă dos. Nous n'avions pas idĂ©e qu'on pĂ»t Ă ce point le dĂ©tester Claudel, PoĂšte regarde Croix,1938, p. 38.Rem. La docum. enregistre la constr. vieillie prendre une idĂ©e de. Synon. avoir, se faire une idĂ©e. Son ignorante vie avait cessĂ© tout Ă coup, elle raisonna, se fit mille reproches. Quelle idĂ©e va-t-il prendre de moi? Il croira que je l'aime » Balzac, E. Grandet, 1834, p. 123. Il eĂ»t fallu voir, pour en prendre une idĂ©e, son front couvert de sueur, et cependant rĂ©signĂ©, ses yeux mouillĂ©s de larmes, et cependant levĂ©s au ciel Dumas pĂšre, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 374. Ce futur, qui est en elle Ă l'Ă©tat de dĂ©sir et qu'elle n'a plus l'Ă©nergie de rĂ©aliser, cultive-le, prends-en une idĂ©e claire BarrĂšs, Homme libre, 1889, p. 131.b [Point de vue de la rĂ©sonance affective de l'idĂ©e]â [Le plus souvent au plur., suivi d'un adj. indiquant le degrĂ© affectif de l'idĂ©e] Leur prĂ©sence m'imposoit une mortelle contrainte, et rĂ©veilloit en moi des idĂ©es accablantes Genlis, Chev. cygne, t. 1, 1795, p. 115.Il nourrissait des idĂ©es grises, des idĂ©es noires, que sais-je? des pressentiments Gide, Caves,1914, p. 839.V. attaquer ex. IdĂ©e affreuse, agrĂ©able, atroce, chagrine, consolante, Ă©trange, gaie, importune, insupportable, souriante, terrible; idĂ©es douces, drĂŽles, lugubres, moroses, sinistres; ĂȘtre assailli de, chasser des, entretenir des, ĂȘtre portĂ© aux idĂ©es sombres; idĂ©es dĂ©goĂ»tantes, lubriques, malsaines, obscĂšnes, sordides.â Loc. verb., fam. Ătre dans ses idĂ©es. Ătre obnubilĂ© par qqc., avoir des idĂ©es noires. Ces diables de violons qui s'avisent de jouer cet air-lĂ justement aujourd'hui, â quand je suis dans mes idĂ©es Murger, ScĂšnes vie jeun.,1851, p. 138.c [Point de vue du mode de relation de l'idĂ©e aux autres idĂ©es] EnchaĂźnement, liaison des idĂ©es; idĂ©es cohĂ©rentes, embrouillĂ©es, sans suite. Les foules sont inspirĂ©es par des associations d'idĂ©es trĂšs simples. Vous ne leur ferez pas faire une Ă©meute un jour de fĂȘte A. France, Bergeret,1901, p. 364.Il s'assit sur l'escabeau. Il n'avait plus une idĂ©e dans la tĂȘte. Les minutes Ă©taient lentes. Le temps se traĂźnait Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 98 5. Paris, 7 juin 1822. Cette soirĂ©e me fait l'effet d'un songe heureux, j'en suis encore tout enivrĂ©. Je cherche Ă rassembler mes idĂ©es, je ne le puis le bonheur qui remplit mon Ăąme Ă©tourdit ma pensĂ©e ... » AmpĂšre, Corresp.,1822, p. a Mettre de l'ordre dans ses idĂ©es; sauter d'une idĂ©e Ă l'/une autre; se changer, rafraĂźchir les idĂ©es Ă /de qqn; chasser, Ă©carter, Ă©loigner, repousser une/des idĂ©es. b Classification, combinaison, coordination, cours, fil des idĂ©es.â PSYCHOL., MĂD. Association* d'/des idĂ©es; fuite* des idĂ©es; idĂ©e fixe*; idĂ©es dĂ©lirantes*. d [Point de vue de l'objet de l'idĂ©e; le plus souvent suivi de de] Se faire Ă une idĂ©e. Tout Ă coup, il lui vient une idĂ©e qui la jeta dans un trouble inexprimable Jules allait croire que, comme son pĂšre, elle mĂ©prisait sa pauvretĂ©! Stendhal, Abbesse Castro,1839, p. 154.L'idĂ©e d'un emprunt lui revint, elle finit par accepter, Ă la condition qu'elle lui rendrait ce qu'il dĂ©penserait pour elle Zola, Germinal,1885, p. 1243.La puissance de ce brasseur d'affaires dont l'existence Ă©veillait l'idĂ©e d'une torche en flamme, secouĂ©e par les vents, fumeuse mais Ă©blouissante Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 831.V. affĂ©terie ex. 5, blondeur ex. 4, cernure ex. 1 6. Les Anciens ont toujours senti que l'idĂ©e de la mort a sa voluptĂ©; l'amour et les fĂȘtes la rappellent, et l'Ă©motion d'une joie vive semble s'accroĂźtre par l'idĂ©e mĂȘme de la briĂšvetĂ© de la vie. StaĂ«l, Corinne, t. 1, 1807, p. 236.â L'idĂ©e de + subst. ou inf.; l'idĂ©e fait de se reprĂ©senter quelque chose. Ătre prĂ©occupĂ©, tourmentĂ© de/par l'idĂ©e que; la seule idĂ©e, Ă la seule idĂ©e, rien qu'Ă l'idĂ©e de, que. Annette avoit Ă©tĂ© effrayĂ©e par l'idĂ©e que M. de Durantal pouvoit ne pas avoir de foi en Dieu Balzac, Annette, t. 2, 1824, p. 127.Jean Valjean devint pĂąle. La seule idĂ©e de redescendre dans cette rue formidable le faisait frissonner Hugo, MisĂ©r., t. 1, 1862, p. 630.Ă l'idĂ©e que vous pourriez ne pas aller droit en paradis, j'en ai tout le corps qui tremble Zola, Dr Pascal,1893, p. 13 7. ... rien n'importe beaucoup de ce qui peut nous advenir sur terre, puisque la seule idĂ©e de ce qui nous attend plus tard suffit dĂšs maintenant Ă nous combler de joie. Green, Journal,1938, p. La docum. et qq. dict. du xixeet xxes. enregistrent le sens vx, quasi-synon. de image, souvenir. Le scintillement des Ă©toiles, la clartĂ© de la lune, le calme profond qui m'environnoit, le parfum des fleurs, la nuit, l'heure, le mystĂšre, tout rappeloit Ă mon cĆur un souvenir dĂ©licieux et dĂ©chirant... Les idĂ©es si chĂšres que me retraçoit l'imagination n'agissoient que sur mes sens; enivrĂ©, Ă©perdu, je n'en Ă©tois que plus infortunĂ© Genlis, Chev. cygne, t. 1, 1795, p. 208. Je demande pardon au lecteur de lui rappeler l'idĂ©e d'un pareil monstre, par des vers aussi misĂ©rables; mais il faut connoĂźtre l'esprit des temps Chateaubr., Essai RĂ©vol., t. 1, 1797, p. 155. Je l'aime de toutes les forces de mon Ăąme, et dans mon abandon complet, dans ma profonde douleur, il n'y a que son idĂ©e qui puisse encore m'offrir de la joie Hugo, Corresp., 1821, p. 326. Elle s'Ă©tonnait d'avoir trouvĂ© si ridicules les idĂ©es rĂ©veillĂ©es par le rĂ©cit de Madame de ThĂ©mines Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 10.2. Ce qui n'existe que dans l'esprit, dans l'imagination, par opposition Ă ce qui existe en fait, dans la rĂ©alitĂ©, de façon concrĂšte. Synon. chimĂšres, illusions, rĂȘves, avec ses idĂ©es. Il se repaĂźt d'idĂ©es LittrĂ©. Il nous a entretenu de ses idĂ©es Ac. 8. Ce ne sont pas des idĂ©es qu'il faut Ă ce peuple remuant [le peuple français], mais des faits, des rĂ©cits historiques, des couplets et Le Moniteur! VoilĂ tout jamais d'abstraction. Baudel., Salon,1846, p. 165.â Loc. fam.⊠Se faire une/des idĂ©ess; se mettre, se fourrer fam. des idĂ©es dans la tĂȘte, en tĂȘte. Imaginer des choses fausses, sans fondement. Pourquoi penser, ou dire du moins, que si tu me demandais Ă Ă©couter ton drame, je ferais sourde oreille? VoilĂ ce que je ne te pardonne pas. Ce sont ces idĂ©es que tu te fourres en tĂȘte Flaub., Corresp.,1847, p. 8.Il ne me croit plus, dit-elle avec dĂ©sespoir .... Il va me dĂ©tester Ă cause d'une idĂ©e qu'il se fait BarrĂšs, Jard. Oronte,1922, p. 218.V. accrocher ex. 28 9. ... ils se disaient, en scrutant des yeux la nuĂ©e rouge de Verdun Il ne faut pas exagĂ©rer. De lĂ -haut on se faisait des idĂ©es. Tout ne brĂ»le pas. Loin de lĂ . Suffit de regarder. Il y a des incendies de cĂŽtĂ© et d'autre. Mais il y a des pĂątĂ©s de maisons, des carrĂ©s de bĂątiments qui continuent d'ĂȘtre bien sombres, bien peinards ... ». Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. iron. Synon. se faire des espĂšre recevoir des compliments, il se fait des idĂ©es Lar. Lang. fr.. ⊠Avoir des idĂ©es. Avoir en tĂȘte des fantasmes sexuels. Donner des idĂ©es Ă qqn. Ăveiller des fantasmes sexuels; exciter l'imagination de quelqu'un. Leurs bĂȘtises [des hommes] lui causaient si peu de plaisir, qu'elle restait sale exprĂšs, afin de ne pas leur donner des idĂ©es Zola, Pot-Bouille,1882, p. 265.Elle est comme toutes les mĂšres. Je lui dis parfois Mais tu les embĂȘtes, tes fils. Laisse-les donc tranquilles. C'est toi qui leur donnes des idĂ©es, avec toutes tes questions... » Gide, Faux-monn.,1925, p. 1114 10. Si vous avez ce qu'on appelle des idĂ©es... » ou plutĂŽt ... ce que l'on appelle vulgairement des idĂ©es... » il ne savait pas au juste ce qu'elle voulait dire. Peut-ĂȘtre la baiser sur la bouche, ou mĂȘme faire le mal avec elle. Green, MoĂŻra,1950, p. 220.⊠[Pour exprimer l'Ă©tonnement devant le caractĂšre non fondĂ© d'une affirmation, irrĂ©alisable d'un projet, insolite ou absurde d'une action, d'un comportement]En voilĂ une drĂŽle d' idĂ©e! En voilĂ des idĂ©es! Moi?... Ah! par exemple!... en voilĂ des idĂ©es!... oĂč vas-tu chercher tout cela, mignonne? Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 109 11. le vĂ©rificateur Vous ne voudriez pas m'accompagner, dans ma prochaine tournĂ©e? Laurency, surpris Moi, en voilĂ une idĂ©e! Lenormand, Simoun,1921, 7etabl., p. idĂ©e de + subst. ou inf. Mon Dieu! Que ces gens Ă©taient ridicules! Je sais bien que nous le serons autant qu'eux dans vingt ans, mais cette idĂ©e d'un troubadour avec un casque et une lyre! Colette, Cl. Ă©cole,1900, p. 231.â CĂ©lestine, soyez franche avec moi... Monsieur ne vous a jamais poussĂ©e dans un coin?... Il ne vous a jamais embrassĂ©e?... Il ne vous a jamais...? Non cette idĂ©e! Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 51.Et cette idĂ©e de se poudrer la nuque! Tout d'elle lui Ă©tait odieux Montherl., Bestiaires,1926, p. 404 12. Je trouve ta question stupide, â Marie-Louise Ă©tait agacĂ©e, â tu n'es pas juif que je sache, tu ne t'es jamais occupĂ© de politique... Tout le monde va rentrer Ă Paris Ă la fin des vacances, cette idĂ©e! Quand on n'est ni Allemand Ă©migrĂ©, ni Polonais, je ne vois pas pourquoi on ne rentrerait pas chez soi! Triolet, Prem. accroc,1945, p. idĂ©e avez-vous lĂ ! Sortir par un temps pareil, quelle idĂ©e! LittrĂ©. Moi, t'en vouloir! Quelle idĂ©e! Hermant, M. de CourpiĂšre,1907, II, 4, p. 16.Quelle idĂ©e a eue ce vieux respectable monsieur d'introduire dans sa maison un serviteur comme moi? Je vous demande suis-je ici Ă ma place? Bernanos, Joie,1929, p. 543 13. â Vous souvenez-vous d'Adrienne? Elle partit d'un grand Ă©clat de rire en disant Quelle idĂ©e! » Puis, comme se le reprochant, elle reprit en soupirant Pauvre Adrienne » Elle est morte au couvent de Saint-S..., vers 1832. » Nerval, Filles feu, Sylvie, 1854, p. 626.â CrĂ©ation de l'esprit; ĂȘtre imaginaire. Synon. invention; apparence, fantĂŽme, mythe, donc que LĂ©lia? une ombre, un rĂȘve, une idĂ©e tout au plus Sand, LĂ©lia, t. 1, 183, p. 47.Des types vagabonds qui cherchent de la matiĂšre, ou bien des crĂ©atures s'Ă©vaporant en idĂ©es Flaub., Tentation,1856, p. 593 14. ... je me crĂ©ai un fantĂŽme de femme pour l'adorer. Je m'Ă©puisai avec cette crĂ©ature imaginaire, puis vinrent les amours rĂ©els avec qui je n'atteignis jamais Ă cette fĂ©licitĂ© imaginaire dont la pensĂ©e Ă©tait dans mon Ăąme. J'ai su ce que c'Ă©tait que de vivre pour une seule idĂ©e et avec une seule idĂ©e, de s'isoler dans un sentiment, de perdre de vue l'univers et de mettre son existence entiĂšre dans un sourire, dans un mot, dans un regard. Chateaubr., MĂ©m., t. 4, 1848, p. 796.⊠[Pour exprimer le fait qu'une quantitĂ© est si petite qu'elle est presque inexistante] Une idĂ©e de + une larme, un poil, un rien, un scrupule, un Landry avait une idĂ©e de gaietĂ© et de courage de plus que son aĂźnĂ©, Sylvinet Ă©tait si fin d'esprit qu'on ne pouvait pas l'aimer moins que son cadet Sand, Pte Fad.,1849, p. 14 15. Le Soir de Paris s'est ... Ă©vaporĂ© il n'a pu lutter contre la naphtaline; il faudrait renifler la plinthe au-dessous de l'Ćil-de-bĆuf, pour retrouver peut-ĂȘtre un reste de parfum, une idĂ©e de parfum. Bory, Mon Village Ă l'heure allemande, Paris, Flammarion, 1945, p. 79.[EmployĂ© adverbialement] Culotte et pourpoint m'allaient comme un gant, bien qu'une idĂ©e larges ArĂšne, J. des Figues,1870, p. 64.La porte s'entre-bailla; oh! Ă peine! un rien, une idĂ©e! tout juste assez pour qu'un mince fil de lumiĂšre tombĂąt du plafond au plancher Courteline, Conv. Alceste, Margot, 1888, p. 75.Excellents, les mouvements de MaĂźtres Chanteurs! Une seule fois, au moment d'attaquer la marche, ça allait une idĂ©e trop vite Willy, Bains de sons,1893, p. 193.3. [Avec mise en Ćuvre de la puissance crĂ©atrice de l'intelligence] Conception de quelque chose Ă Surtout dans les domaines artistique, littĂ©raire, originale et/ou fĂ©conde; premiĂšre conception de quelque chose; donnĂ©e fondamentale. On lui doit l'idĂ©e de cette machine Lar. 20e, Lar. encyclop.. L'Ćuvre Ă accomplir amĂšne nĂ©cessairement l'ouvrier le besoin donne l'idĂ©e, et c'est l'idĂ©e qui fait le producteur Proudhon, PropriĂ©tĂ©,1840, p. 226.Pour un grand artiste, l'idĂ©e, la vision d'un tableau peuvent jaillir de l'Ă©motion d'une lecture, et les plus beaux thĂšmes plastiques s'ordonner et s'Ă©panouir au rythme d'un poĂšme A. Michel, Peint. fr. xixes., 1928, p. 105 16. Toute la faiblesse et le manque d'originalitĂ© du romancier Bourget est dans l'aveu qu'il vient de faire que la conception de Suzanne Moraines lui a Ă©tĂ© inspirĂ©e par MmeMarneffe, de Balzac. Prendre l'idĂ©e d'un roman dans un roman, et ne la pas prendre cette idĂ©e dans un Ă©vĂ©nement humain ou une individualitĂ© caractĂ©ristique que vous avez cĂŽtoyĂ©e, lĂ est ce qui distingue le romancier qui ne l'est pas de celui qui l'est. Goncourt, Journal,1888, p. a IdĂ©e centrale, dominante, essentielle, fondamentale, prĂ©pondĂ©rante, principale d'une Ćuvre; idĂ©e directrice d'un Ă©crivain, d'un homme de sciences, d'une Ćuvre; idĂ©e maĂźtresse, mĂšre. b Chercher, donner une idĂ©e de conte, de piĂšce. c Breveter une idĂ©e; dĂ©velopper, expliquer une idĂ©e.â En partic., domaine de la crĂ©ation artistique et littĂ©r. Esquisse, Ă©bauche. Jeter une/des idĂ©es sur le papier; ce n'est encore qu'une idĂ©e. L'idĂ©e premiĂšre, le croquis, qui est en quelque sorte l'Ćuf ou l'embryon de l'idĂ©e, est loin ordinairement d'ĂȘtre complet Delacroix, Journal,1847, p. 169 17. Il est remarquable que, dans les premiĂšres idĂ©es du Dona, qui datent du temps du Credo â soit de 1820, â il ne soit aucunement question de l'assaut de la guerre â ou extĂ©rieure, ou intĂ©rieure. Rolland, Beethoven, t. 2, 1937, p. 416.â MUS. ,,Phrase musicale, d'ampleur variable, qui semble le noyau d'une Ćuvre ou d'une partie d'une Ćuvre et se prĂȘte Ă des dĂ©veloppements ultĂ©rieurs`` Lar. encyclop.. Les dĂ©veloppements considĂ©rables [de cet allegro] roulent constamment sur la mĂȘme idĂ©e Berlioz, Ă travers chants,1862, p. 45 18. Le concerto qu'il nous a jouĂ© semblait tout entier fait pour lui. La robuste carrure du rythme, le puissant mouvement des idĂ©es, dans l'allegro et le finale, s'accordaient pleinement avec les qualitĂ©s de son archet et de son violon. P. Lalo, Mus.,1899, p. Cour. Conception neuve et/ou inattendue; solution originale Ă un problĂšme. J'ai des tas d'idĂ©es fam.; c'est une idĂ©e Ă lui fam.. Elle le fĂ©licitait de son bon goĂ»t â Ah! c'est mignon, extrĂȘmement bien! Il n'y a que vous pour ces idĂ©es » Flaub., Ăduc. sent., t. 2, 1869, p. 69.Ne craignez rien; j'ai mon idĂ©e pour entrer Maupass., Contes et nouv., t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 309.Nanteuil dit qu'il fallait s'adresser au docteur Trublet. â C'est une idĂ©e! s'Ă©cria Pradel A. France, Hist. comique,1903, p. 153 19. Tenez! une idĂ©e me vient. Vous devriez faire une retraite de quelques mois, dans votre Auvergne, au sein de votre aimable famille... Bernanos, Imposture,1927, p. 422.⊠[Concerne Ă©galement I A 3 c] L'idĂ©e de qqc.; l'idĂ©e de faire fait de penser Ă , d'imaginer quelque chose et/ou le projet de quelque chose. Quelle bonne idĂ©e vous avez eue de venir aujourd'hui! Personne n'aura l'idĂ©e l'idĂ©e ne viendrait Ă personne de vous chercher ici. C'Ă©tait, tout de mĂȘme, une Ă©trange mĂ©canique qu'une femme. Jamais il n'avait eu l'idĂ©e d'Ă©tudier cela. Il commençait Ă entrevoir des complications extraordinaires Zola, E. Rougon,1876, p. 67.Notre curĂ© ... qui se croit un homme d'initiative, a eu l'idĂ©e d'un service pour les sinistrĂ©s de la Martinique Bloy, Journal,1902, p. 96.L'astrologie, qui eut l'idĂ©e gĂ©niale de rebaptiser les douze signes du zodiaque et de les remplacer poĂ©tiquement par les douze maisons du ciel Boll, Qq. sc. captivantes,1941, p. 194.V. coiffage ex. 1 20. La commode est une des crĂ©ations les plus intĂ©ressantes de l'Ă©poque [le xviiesiĂšcle]. Jusque-lĂ , le linge Ă©tait rangĂ© dans des coffres. Au xviesiĂšcle, les cabinets avaient rĂ©vĂ©lĂ© la commoditĂ© des tiroirs. Dans un coffre Ă dessus fixe, surĂ©levĂ© sur quatre pieds, on eut l'idĂ©e de pratiquer des grands tiroirs. Viaux, Meuble Fr.,1962, p. a IdĂ©e allĂ©chante, bouffonne, dangereuse, diabolique, Ă©patante, Ă©tonnante, funeste, hasardeuse, heureuse, inapplicable, ingĂ©nieuse, lumineuse, machiavĂ©lique, neuve, saugrenue, sĂ©duisante, singuliĂšre, stupide; excellente, fameuse, malencontreuse, riche idĂ©e; drĂŽle d'idĂ©e; idĂ©e de gĂ©nie. b Lancer, pousser une idĂ©e; recueillir des idĂ©es. c [Concerne I A 3 b et c]. Une idĂ©e germe, naĂźt, jaillit; une idĂ©e est dans l'air, a de l'avenir, fait son chemin; une idĂ©e frappe, illumine, occupe; une idĂ©e se prĂ©sente, vient Ă l'esprit; une idĂ©e traverse qqn, l'esprit, le cerveau, la cervelle, la tĂȘte; une idĂ©e entre dans la tĂȘte, passe par la tĂȘte; trotte dans la tĂȘte la cervelle, sort de la tĂȘte; une idĂ©e vient de qqn.⊠Souvent au plur., abs. [Concerne I A 3 a et b; pour insister sur le caractĂšre d'originalitĂ©, d'invention] Ătre dĂ©nuĂ©, dĂ©pourvu, plein d'idĂ©es; mĂ©diocritĂ©, pauvretĂ©, vide d'idĂ©es; une tĂȘte Ă idĂ©es, boĂźte Ă idĂ©es; les idĂ©es ne viennent pas. Le voilĂ qui se met Ă dĂ©velopper ce texte avec une abondance d'idĂ©es, une richesse de vues si fines ou si profondes, un luxe de mĂ©taphores si brillantes et si pittoresques, que c'Ă©tait merveille de l'entendre ChĂȘnedollĂ©, Journal,1822, p. 113.Je souffre ... d'un certain manque d'idĂ©es proprement dites, de vues, de vĂ©ritĂ©s, qui aprĂšs tout constituent la vraie richesse d'un esprit Amiel, Journal,1866, p. 59.Avoir des idĂ©es. Avoir l'esprit fĂ©cond, ingĂ©nieux 21. Il avait des idĂ©es. Ă dix ans il avait inventĂ© une trappe Ă mouches, Ă douze une nouvelle mĂ©thode pour gonfler les pneus de bicyclette, Ă quatorze un moulin Ă distribuer les cartes Ă jouer. Queneau, Loin Rueil,1944, p. Intention, envie, dĂ©sir; projet. Avoir des idĂ©es intĂ©ressĂ©es; vous aviez bien une idĂ©e en me posant cette question? J'ai applaudi Ă ses projets, je l'ai encouragĂ© dans ses idĂ©es de mariage Champfl., Souffr. profess. Delteil,1855, p. 240.Je me dĂ©cidai Ă tout vendre, et me trouvai tout d'un coup ne plus possĂ©der que le cinquiĂšme Ă peine de ce que j'avais hĂ©ritĂ© de ma grand'mĂšre .... On le sut d'ailleurs Ă Combray ..., on se dit VoilĂ oĂč mĂšnent les idĂ©es de grandeur » Proust, Fugit.,1922, p. 640.Il ne lui posait pas cette question dans l'idĂ©e d'Ă©couter sa rĂ©ponse, mais simplement pour lui crier sa colĂšre A. Chamson, Roux le bandit, Paris, Grasset, 1925, pp. 50-51 22. Un jour dans ses lointains voyages en Orient, s'Ă©tant Ă©loignĂ© de sa caravane aux environs d'Antioche, le jeune duc, en causant avec les guides du pays, entendit parler d'un mendiant dont on s'Ă©cartait avec horreur et qui vivait, seul, au milieu des ruines. L'idĂ©e le prit de visiter cet homme, car nul n'Ă©chappe Ă son destin. Villiers de L' Contes cruels,1883, p. Abandonner, caresser, lĂącher, mĂ»rir une idĂ©e; reprendre une vieille idĂ©e; applaudir Ă une idĂ©e; revenir Ă son idĂ©e.â [Au sens fort] DĂ©termination, rĂ©solution. Avoir l'idĂ©e bien arrĂȘtĂ©e, avouĂ©e de faire qqc.; personne n'a pu lui ĂŽter cette idĂ©e de la tĂȘte. Elle prĂ©tend qu'elle est souffrante et que l'air de la campagne lui fera du bien... Vous savez, quand les femmes ont une idĂ©e, il n'y a pas Ă aller contre Theuriet, Mais. deux barbeaux,1879, p. 97.Paule eut un petit rire Toi, quand tu as une idĂ©e dans la tĂȘte! Beauvoir, Mandarins,1954, p. 138.V. bachique ex. 7 23. Ah non! Jamais elle ne changerait d'idĂ©e. Ni sa mĂšre, ni personne ne lui arracherait un aveu. Rose-Anna voyait le visage de sa fille dans une petite glace posĂ©e au mur, au-dessus de la table. La bouche Ă©tait dure, le regard volontaire, presque insolent. Roy, Bonheur occas.,1945, p. N'avoir qu'une idĂ©e dans la tĂȘte, en tĂȘte; mettre, fourrer fam. une/des idĂ©es dans la tĂȘte de qqn; ne pas dĂ©mordre d'une idĂ©e; s'entĂȘter dans son idĂ©e; renoncer, tenir Ă une idĂ©e; avoir de la suite dans les idĂ©es; une idĂ©e de derriĂšre la d'idĂ©e comme de chemise. V. chemise I A 2 Conception impliquant un jugement de valeur; maniĂšre de Point de vue en gĂ©nĂ©ral; opinion. Je n'ai pas d'idĂ©e lĂ -dessus; il a des idĂ©es sur tout. Il rĂ©alise l'idĂ©e vulgaire qu'on se fait du poĂ«te, ardent, impĂ©tueux, endettĂ©, inĂ©gal en conduite et en fortune Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 182.Ce sont des idĂ©es d'enfant, qu'on ne peut faire les choses qu'avec excĂšs Montherl., Exil,1929, II, 8, p. 67.V. agricole ex. 20 et cautionner ex. 2 24. Il est Ă©vident qu'un paria hindou, un guerrier de l'empire Inca, un primitif de l'Afrique centrale, ou un membre des premiĂšres communautĂ©s chrĂ©tiennes n'avaient pas la mĂȘme idĂ©e de la rĂ©volte. Camus, Homme rĂ©v.,1951, p. a Avoir, donner, se former une bonne, grande, haute idĂ©e, une idĂ©e Ă©levĂ©e de qqc. ou de qqn; approuver, combattre, Ă©mettre, imposer, partager une idĂ©e; s'ouvrir Ă une idĂ©e; confirmer qqn dans son idĂ©e; partir d'une idĂ©e, sur une idĂ©e fausse; avoir, rĂ©viser son idĂ©e sur qqn ou qqc. b IdĂ©e solidement ancrĂ©e, choquante, bien Ă©tablie, toute faite le plus souvent au plur., hardie, neuve, prĂ©conçue, reçue le plus souvent au plur., trĂšs rĂ©pandue, sensĂ©e.â Domaine de la mĂ©thode expĂ©rimentale.[Chez Cl. Bernard] IdĂ©e a priori ou prĂ©conçue. HypothĂšse la plus probable que l'expĂ©rimentateur Ă©met sur la cause d'un fait brut et dont la valeur est contrĂŽlĂ©e au moyen d'autres faits empruntĂ©s Ă l'observation et Ă l'expĂ©rimentation. La constatation du fait brut doit nĂ©cessairement prĂ©cĂ©der son interprĂ©tation, car c'est la vue du fait brut qui doit donner naissance Ă l'idĂ©e prĂ©conçue ou Ă l'hypothĂšse que l'on peut faire relativement Ă sa cause C. Bernard, Princ. mĂ©d. exp.,1878, p. 55.V. circonstance ex. 4 et esclave ex. 6 25. ... le premier mouvement de l'esprit scientifique est une hypothĂšse ou une idĂ©e a priori Ă l'aide de laquelle l'esprit s'Ă©lance au-delĂ du fait brut pour arriver dans le champ du rationalisme qui est le vĂ©ritable terrain scientifique. C. Bernard, Princ. mĂ©d. exp.,1878p. 77.â ManiĂšre d'agir et/ou de penser; maniĂšre de voir.⊠à + adj. poss. + Ă ma ta,... façon, Ă ma ta,... guise; selon sa faire qu'Ă son idĂ©e; juger, vivre Ă son idĂ©e. Vous aurez cinq annĂ©es ennuyeuses c'est-Ă -dire cinq annĂ©es pendant lesquelles il vous faudra observer la rĂšgle, mais aprĂšs cela, vous en ferez Ă votre idĂ©e Green, Journal,1943, p. 24.V. enfanter ex. 1.⊠à dans + adj. poss. + Ă mon ton,... avis, selon ce que je tu,... penses.â Ă mon idĂ©e, il a Ă©tĂ© Ă©vacuĂ© par un autre rĂ©giment. â Mais non, il Ă©tait blessĂ©; les boches ont dĂ» le ramasser DorgelĂšs, Croix de bois,1919, p. 24.La lecture Ă©tant dans son idĂ©e une occupation purement dominicale, et trop noble aussi pour s'y adonner en habits de travail GuĂšvremont, Survenant,1945, p. 57.⊠Ătre de l'idĂ©e de qqn vx.Ătre de son avis. Quoique sans doute la petite soit de mon idĂ©e, il faut pourtant lui demander son avis Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 26.b Au plur. Ensemble des vues ou opinions en tout domaine d'une personne ou d'un groupe de personnes. Tu as tes idĂ©es, j'ai les miennes; il a les idĂ©es de son siĂšcle. Les idĂ©es religieuses sont celles qui ont le plus de prise sur les ames sensibles SĂ©nac de Meilhan, ĂmigrĂ©,1797, p. 1911.Il faut tuer les gens qui n'ont pas vos idĂ©es? Sartre, Mains sales,1948, 5etabl., 2, p. 189.V. antipodique ex. 2, continuer ex. 12 et baigner ex. 9 26. Je pense quelquefois que, si les hommes du siĂšcle de Louis XIV pouvaient revenir au milieu de nous, avec leurs idĂ©es graves et leur forte raison, ils seraient bien Ă©tonnĂ©s de la maniĂšre dont on discute aujourd'hui les questions les plus importantes, et en vĂ©ritĂ©, j'ose croire qu'ils seraient moins frappĂ©s du progrĂšs des lumiĂšres que du progrĂšs des passions, et de l'affaiblissement des prĂ©jugĂ©s que de l'affaiblissement de l'intelligence. Lamennais, Lettres Cottu,1820, p. 100.⊠Entrer, ĂȘtre dans les idĂ©es de connaĂźt le prospectus, il entre dans les idĂ©es du marchand, il n'est pas fier Balzac, C. Birotteau,1837, p. 156.Vous savez, je ne vous suis guĂšre dans vos idĂ©es, dit Edmond. Je ne suis pas un partageux, et le socialisme me laisse sceptique Aragon, Beaux quart.,1936, p. 280.Tu m'as laissĂ© ĂȘtre des Ă©quipes de secours, oĂč il y avait un risque. Et tu m'interdis d'ĂȘtre de la rĂ©sistance, Ă cause du risque. Est-ce que la rĂ©sistance ne serait pas dans tes idĂ©es? Montherl., Demain,1949, I, 2, p. 714.SYNT. a Accepter, accueillir, adopter, analyser, combattre, heurter, partager, professer, propager, respecter, soutenir, faire triompher des idĂ©es; fixer les idĂ©es sur un sujet; se rallier Ă des idĂ©es; convertir qqn Ă , exposer ses idĂ©es; ĂȘtre acquis, hostile, ouvert Ă , touchĂ© par, imprĂ©gnĂ©s des idĂ©es de qqn. b Attachement, fidĂ©litĂ© Ă des idĂ©es; communion, divergence, Ă©change, sympathie d'idĂ©es. c IdĂ©es d'un artiste, d'un Ă©crivain, d'une classe sociale, d'une Ă©poque, d'une gĂ©nĂ©ration, d'un homme politique sur qqc. ou en matiĂšre de; idĂ©es d'Ă©galitĂ©, de fraternitĂ©, de justice, d'ordre, de revendication, de rĂ©volte, de tolĂ©rance. d IdĂ©es esthĂ©tiques, littĂ©raires, morales, philosophiques, politiques, scientifiques, sociales; idĂ©es bourgeoises, monarchistes, libĂ©rales, progressistes, rĂ©formistes, rĂ©publicaines; idĂ©es fortes, gĂ©nĂ©reuses, nobles, philanthropiques, romanesques; idĂ©es arrĂȘtĂ©es, avancĂ©es, courtes, Ă©troites, rĂ©trogrades, subversives; ĂȘtre large d'idĂ©es; idĂ©es actuelles, modernes, nouvelles, pĂ©rimĂ©es, traditionnelles; idĂ©es Ă la mode, de l'ancien temps, d'un autre temps, qui n'ont plus cours; grandes, hautes, vieilles idĂ©es.â Abs., au plur. L'ensemble du mouvement intellectuel concernant une Ă©poque, une civilisation. Courant, mouvement, progrĂšs des idĂ©es. Dans l'histoire des idĂ©es et des mĆurs, Jean-Jacques peut bien aujourd'hui apparaĂźtre, en face des philosophes, comme un mainteneur de la sensibilitĂ© religieuse GuĂ©henno, Jean-Jacques,1952, p. 124.V. cĂŽtoyer ex. 2 27. C'est Ă©noncer une vĂ©ritĂ© dĂ©sormais banale que de dire que ce sont les idĂ©es qui mĂšnent le monde. C'est d'ailleurs dire plutĂŽt ce qui devrait ĂȘtre et ce qui sera, que ce qui a Ă©tĂ©. Il est incontestable qu'il faut faire dans l'histoire une large part Ă la force, au caprice, et mĂȘme Ă ce qu'on peut appeler le hasard, c'est-Ă -dire Ă ce qui n'a pas de cause morale proportionnĂ©e Ă l'effet. Renan, Avenir sc.,1890, p. 23.â En partic., abs., au plur. Ăcrivain, littĂ©rature, théùtre d'idĂ©es. Ăcrivain, littĂ©rature, théùtre dont l'objet est de dĂ©velopper des idĂ©es, des thĂšses. V. flatter ex. de Apoll., TirĂ©sias, 1918, p. 866 28. [Dans la littĂ©rature modern style] les chroniqueurs du temps distinguent un théùtre d'idĂ©es », un théùtre d'amour », et un théùtre gai » .... D'excellents techniciens [du théùtre d'idĂ©es »], doublĂ©s d'observateurs aigus, mettent en scĂšne les problĂšmes sociaux, font de la satire des mĆurs Ă©lectorales, des manigances financiĂšres, des abus coloniaux, des mariages d'argent, des dĂ©nis de justice, de la fausse noblesse, ou de l'Ă©ternel Don Juan. P. O. Walzer, Litt. fr., Le xxes., Paris, Arthaud, 1975, p. 97.â Au plur. cour. et au sing. littĂ©r.. Direction d'une pensĂ©e, systĂšme doctrinal, idĂ©ologie; le ou les principes qui est ou qui sont Ă la base de cette pensĂ©e, de ce systĂšme, de cette idĂ©ologie. L'idĂ©e monarchiste, rĂ©publicaine. L'idĂ©e fouriĂ©riste LittrĂ©. Dans cette insouciance du pays pour Charles X, il y a autre chose que de la lassitude il y faut reconnaĂźtre le progrĂšs de l'idĂ©e dĂ©mocratique et de l'assimilation des rangs Chateaubr., MĂ©m., t. 3, 1848, p. 670.Ce qui ruinerait l'idĂ©e marxiste, ce serait de vouloir que le progrĂšs technique ait dĂ©terminĂ© par lui-mĂȘme tous les changements de l'ordre moral Alain, Propos,1933, p. 1150 29. Quand l'idĂ©e de la palingĂ©nĂ©sie du monde se rĂ©pandit parmi les Juifs, toutes ces peintures d'un monde renouvelĂ©, d'une JĂ©rusalem nouvelle, vinrent s'appliquer Ă cette palingĂ©nĂ©sie du monde, et donnĂšrent Ă l'idĂ©e juive une prĂ©cision, une nettetĂ© comparable Ă celle qui peut rĂ©sulter pour nous de la vue des choses manifestĂ©es et prĂ©sentes. P. Leroux, HumanitĂ©, t. 2, 1840, p. 720.â Au sing. ManiĂšre particuliĂšre de concevoir la vie, la sociĂ©tĂ©, la civilisation, que l'on Ă©rige en norme d'action ou que l'on donne pour but Ă ses pensĂ©es et Ă ses actes. Synon. y avait dans la Convention une volontĂ© .... Cette volontĂ© Ă©tait une idĂ©e indomptable et dĂ©mesurĂ©e qui soufflait dans l'ombre du haut du ciel. Nous appelons cela la rĂ©volution Hugo, Quatre-vingt-treize,1847, p. 188.Cet homme qui passait le premier, ce n'Ă©tait pas pour de l'argent qu'il venait tuer ceux qui se traĂźnaient lĂ -haut, c'Ă©tait pour une idĂ©e, pour une foi Malraux, Cond. hum.,1933, p. 385 30. Depuis son enfance qu'elle avait passĂ©e sous le chevet rose, vert et jaune de santa Maria del Fiore, elle Ă©tait habitĂ©e par l'idĂ©e monastique. Elle ignorait toute passion. C'est pourquoi elle avait choisi l'ordre le plus secret et le plus paisible, la Visitation de Mantoue. Jouve, Paulina,1925, p. Se dĂ©vouer Ă , mourir pour, se sacrifier Ă , servir une idĂ©e; ĂȘtre animĂ©, mĂ» par une idĂ©e; incarner une idĂ©e; l'idĂ©e chrĂ©tienne, rĂ©publicaine, alimenter, inculquer l'idĂ©e rĂ©volutionnaire, une idĂ©e humanitaire; une idĂ©e juste; une belle idĂ©e.⊠Au sing., abs., vx. ,,Ensemble idĂ©al des aspirations du gĂ©nie et de l'Ă©poque`` LittrĂ©. Les penseurs sont les serviteurs de l'idĂ©e LittrĂ© 31. Soyons frĂšres; ayons L'Ćil fixĂ© sur l'IdĂ©e, ange aux divins rayons. L'idĂ©e, Ă qui tout cĂšde et qui toujours Ă©claire Prouve sa saintetĂ© mĂȘme dans sa colĂšre! Hugo, ChĂątim.,1853, p. â Seulement au sing., souvent pop. et fam. L'esprit qui conçoit. Synon. imagination, intelligence, restait enfant trĂšs tard, ce qui impatientait Cadine. Il n'avait pas plus d'idĂ©e qu'un chou, disait-elle Zola, Ventre Paris,1873, p. 766.Soudain, et de concert, ils laissĂšrent tomber leurs bras au long de leurs cuisses, et s'interrogĂšrent jusque dans l'Ăąme et jusque dans l'idĂ©e Cladel, Ompdrailles,1879, p. 277.â [Le plus souvent prĂ©cĂ©dĂ© de Ă , dans, de, en avec ou sans dĂ©terminant] Se mettre qqc. dans l'idĂ©e; cela m'est sorti de l'idĂ©e; on ne m'ĂŽtera pas cela de l'idĂ©e. Il me vint en idĂ©e de me mĂ©nager un asile contre le dĂ©sespoir Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 91.Ma rĂ©solution Ă©tait prise et rien ne pouvait plus m'en faire changer. Il me vint bien Ă l'idĂ©e que je pouvais ne pas ĂȘtre dans mon droit, mais je me moquai bien de cette idĂ©e A. France, Bonnard,1881, p. 473.J'ai dĂ©jĂ dans l'idĂ©e un autre article sur un sujet merveilleux l'idĂ©e de continuitĂ© et ses applications dans l'art contemporain RiviĂšre, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 123.â Loc. diverses⊠En idĂ©e. [P. oppos. Ă en fait, en rĂ©alitĂ©] Synon. en est si doux, parmi les dĂ©senchantements de la vie, de pouvoir se reporter en idĂ©e sur de nobles caractĂšres, des affections pures et des tableaux de bonheur Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 95.⊠Fam. Dans + adj. poss. + + adj. poss. + conception des choses. J'suis pas mariĂ© Ă la mairerie... Mais j'suis mariĂ©... dans mon idĂ©e Benjamin, Gaspard,1915, p. 14.⊠Fam. Avoir l'idĂ©e Ă qqc. Synon. avoir l'esprit, la tĂȘte Ă qqc.; prĂȘter attention Ă n'avait plus du tout l'idĂ©e aux femmes, parce qu'il faisait dĂ©jĂ trĂšs froid; mais on rĂȘvait Ă des choses incohĂ©rentes ou merveilleuses, comme dans le sommeil Loti, PĂȘch. Isl.,1886, p. 185.⊠Abs., pop. et fam. Avoir de l'idĂ©e. Ătre intelligent, avoir l'esprit plein de ressources. Caporal, demanda Pache, d'une voix un peu tremblante, vous qui avez de l'idĂ©e, si vous pouviez le tuer sans lui faire du mal? Zola, DĂ©bĂącle,1892, p. 450.Tu comprends, lui dit-il amicalement, t'as de l'idĂ©e, mais tu gueules pas assez DorgelĂšs, Croix de bois,1919, p. 28.II. â PHILOSOPHIEA. â [Souvent avec majuscule] Norme idĂ©ale, absolue, forme de la [Chez Platon et ses hĂ©ritiers] Ce qui appartient au domaine de l'intelligible et qui seul possĂšde la perfection Ă©ternelle et la rĂ©alitĂ© absolue. Le monde des IdĂ©es. Il [Platon] pose le monde des idĂ©es de façon que nous n'en soyons que la dĂ©gradation Du Bos, Journal,1924, p. 19.La philosophie platonicienne de l'IdĂ©e philosophie oĂč les IdĂ©es ... sont regardĂ©es comme des sortes d'entitĂ©s, existant sĂ©parĂ©ment des objets singuliers pour lesquels elles jouent le rĂŽle de paradigmes R. BlanchĂ©, La Log. et son hist., Paris, A. Colin, 1970, p. 22.V. archĂ©type ex. 2, abstraction ex. 19 et Ăąme ex. 32 32. La thĂ©orie platonicienne des idĂ©es peut ĂȘtre, au moment de la RĂ©publique, ramenĂ©e Ă ces quatre formules les idĂ©es sont l'ĂȘtre; elles sont identiques et absolument distinctes; l'ĂȘtre est intelligible; l'ĂȘtre intelligible procĂšde de l'idĂ©e de bien. H. D. Gardeil, Les Ătapes de la philos. idĂ©aliste, Paris, Vrin, 1935, p. 19.â P. ext., lang. cultivĂ©e. Type idĂ©al créé par l'esprit. Synon. sĆur divine ... ĂŽ fleurie, ĂŽ transfigurĂ©e! Tu n'es plus la petite Asiatique dont je fis ton modĂšle indigne. Tu es son idĂ©e immortelle, l'Ăąme terrestre de l'AstartĂ© qui fut gĂ©nitrice de sa race LouyÌs, Aphrodite,1896, p. 41.⊠LITT. symbolisme. Forme Ă©ternelle de toute chose. Le poĂšte mallarmĂ©en ne prĂ©cipite toute matiĂšre dans le non-ĂȘtre que pour laisser subsister l'idĂ©e de l'objet disparu, sa forme seule parfaite, son essence immuable BĂ©guin, Ăme romant.,1939, p. 382 33. Le PoĂšte pieux contemple; il se penche sur les symboles, et silencieux descend profondĂ©ment au cĆur des choses, â et quand il a perçu, visionnaire, l'IdĂ©e, l'intime Nombre harmonieux de son Ătre, qui soutient la forme imparfaite, il la saisit, puis, insoucieux de cette forme transitoire qui la revĂȘtait dans le temps, il sait lui redonner une forme Ă©ternelle, sa Forme vĂ©ritable enfin, et fatale â paradisiaque et cristalline. Gide, TraitĂ© Narcisse,1891, p. [Chez Kant; p. oppos. Ă catĂ©gorie ou concept de l'entendement] IdĂ©e ou IdĂ©e a priori ou transcendantale; idĂ©es de la Raison pure. Concept nĂ©cessaire de la raison pure auquel ne peut correspondre aucun objet donnĂ© par les sens et qui rĂ©pond Ă l'exigence d'unification de tous nos raisonnements. Les idĂ©es ne sont autre chose que des catĂ©gories pures Ă©levĂ©es Ă l'absolu, et capables de se rapporter aux catĂ©gories ordinaires, de maniĂšre Ă en prolonger sans limites l'application Ă des objets d'expĂ©rience V. Delbos, La Philos. pratique de Kant, Paris, Alcan, 1926 [1905], p. 203 34. Les principes absolus, qui contiennent la totalitĂ© des conditions pour un conditionnĂ© donnĂ©, c'est-Ă -dire, au fond, qui contiennent l'inconditionnĂ©, ces principes sont l'Ćuvre d'une autre facultĂ© que l'entendement. Kant les appelle idĂ©es transcendantales et les rapportent Ă la raison. R. Verneaux, Les Sources cartĂ©siennes et kantiennes de l'idĂ©alisme fr., Paris, Beauchesne et fils, 1936, p. [Chez Hegel; p. oppos. Ă concept subjectif] PensĂ©e absolue, objective, en soi, dont procĂšdent par dĂ©veloppement dialectique la Nature et l'Esprit d'apr. Foulq. 1971. La Nature est un moment de la vie de l'IdĂ©e, le moment oĂč elle s'extĂ©riorise avant de s'intĂ©rioriser dans l'Esprit E. BrĂ©hier, Hist. de la philos., Paris, 1968 [1932], tome 2, fasc. 3, p. 660 35. L'IdĂ©e [it. ds le texte], catĂ©gorie dans et par laquelle le concept de la subjectivitĂ© transcendantale et l'objectivitĂ© des sciences » se saisissent dans leur identitĂ© profonde et, du mĂȘme coup, dĂ©finissent libertĂ© et rationalitĂ© comme Ă©tant des termes exactement interchangeables. F. Chatelet, Hegel, Paris, Seuil, 1969, p. â Objet d'une certaine connaissance; simple mode de la [Chez Descartes et ses hĂ©ritiers] Ce qui est conçu immĂ©diatement par l'esprit. IdĂ©e adĂ©quate, adventice, claire, confuse, distincte, factice, innĂ©e, obscure. L'idĂ©e est une dĂ©termination de la pensĂ©e; elle est donc le premier objet immĂ©diatement connu R. Verneaux, Les Sources cartĂ©siennes et kantiennes de l'idĂ©alisme fr., Paris, Beauchesne et fils, 1936p. 122 36. Il [Descartes] abandonne mĂȘme le sens scolastique du mot idĂ©e signifiant les archĂ©types Ă©ternels par lesquels Dieu pense les choses pour dĂ©signer par idĂ©es les modes de la pensĂ©e humaine. L'idĂ©e est donc, chez Descartes, d'Ă©toffe mentale. F. AlquiĂ©, La DĂ©couverte mĂ©taphysique de l'homme chez Descartes, Paris, 1966 [1950], p. [DĂ©r. de 1; p. oppos. Ă image] IdĂ©e ou IdĂ©e gĂ©nĂ©rale. ReprĂ©sentation intellectuelle, abstraite, gĂ©nĂ©rale, d'un objet. Synon. y a deux maniĂšres de modifier une idĂ©e, savoir dans sa comprĂ©hension ou dans son extension Destutt de Tr., IdĂ©ol. 2,1803, p. 104.V. abstrait ex. 3 et 4 37. Une idĂ©e gĂ©nĂ©rale est toujours une idĂ©e abstraite, et il n'existe pas d'idĂ©e abstraite qui ne soit abstraite d'une sĂ©rie d'expĂ©riences humaines. Gaultier, Bovarysme,1902, p. 113.â [Le plus souvent suivi de de + subst.] L'idĂ©e d'Ă©ternitĂ©, d'homme, de justice, de mouvement, de nature, de puissance, de quantitĂ©, de substance. Il suffit d'analyser l'idĂ©e de cause dans ses usages contemporains pour voir combien elle conserve de traces de ses diversitĂ©s originelles Lalande, Raison et normes,1948, p. 58.V. amoral ex. 6.⊠[Emploi didactique principalement dans les travaux universitaires] R. Folz, L'IdĂ©e d'empire en Occident du veau xivesiĂšcle. Paris, Aubier, 1953. Cf. Ă©galement supra I B ex. de premier terme de mots composĂ©s liĂ© ou non au second terme par un trait d' Le second terme dĂ©signe α La nature ou l'Ă©lĂ©ment moteur de l'idĂ©e. Je vous donne pour gage de ma foi, le spectacle inconnu au monde d'un roi acceptant le sacerdoce de l'Ă©poque nouvelle, apĂŽtre armĂ© de l'idĂ©e-peuple, architecte du temple de la Nation Sand, MĂ©l.,1843, p. 278.La rĂ©publique, votre foi, votre idĂ©e-patrie, puise une vie nouvelle dans vos tortures Hugo, Actes et par. 2,1875, p. 52. ÎČ L'objet, la destination de l'idĂ©e, en partic., dans le vocab. de la publicitĂ©. IdĂ©es-vacances spĂ©ciales-zone-franc-tout-compris PublicitĂ© Air-France ds cadeau peut-ĂȘtre pas totalement nouvelle mais vraiment jolie, une gourmette de bĂ©bĂ© en or, Ă chaĂźnette Elle,4 dĂ©c. 1972, p. 136.b Le second terme α SpĂ©cifie la nature ou le type particulier de l'idĂ©e. Le mot est cet ĂȘtre Ă©trange une idĂ©e-chose. Il possĂšde Ă la fois l'impĂ©nĂ©trabilitĂ© de la chose et la transparence de l'idĂ©e, l'inertie de la chose et la force agissante de l'idĂ©e Sartre, Sit. I,1947, p. 221.En face d'un rĂȘveur de pensĂ©es savantes, comme fut Robinet, qui organise ses idĂ©es-visions en systĂšme, un psychanalyste habituĂ© Ă dĂ©lier des complexes familiaux serait bien inopĂ©rant Bachelard, PoĂ©t. espace,1957, p. 113.V. Ă©clair C ex. de Benda, Fr. byz., 1945, p. 245. En aux qualitĂ©s premiĂšres des corps, parmi elles il en est une, savoir la figure, qui semble propre Ă ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par l'idĂ©e-image; et en effet il est certain que l'apparence visible, la figure des corps extĂ©rieurs placĂ©s devant nous, devant l'organe de la vision, se peint sur la rĂ©tine Cousin, Hist. philos. xviiies., t. 2, 1829, p. 359.PHILOS., PSYCHOL. Cette unitĂ© indissoluble du penser et de l'agir est la loi psychologique d'importance capitale que nous rĂ©sumons par le terme idĂ©e-force. Tout Ă©tat de conscience est idĂ©e en tant qu'enveloppant un discernement quelconque, et il est force en tant qu'enveloppant une prĂ©fĂ©rence quelconque; si bien que toute force psychique est, en derniĂšre analyse, un vouloir A. FouillĂ©e, La Psychol. des idĂ©es-forces, Paris, Alcan, tome 1, 1893, p. X. ÎČ Qualifie l'idĂ©e en prĂ©cisant sa fonction. ArrĂȘtons-nous donc au moins un moment, Ă examiner ce qui rĂ©sulte de cette idĂ©e premiĂšre dont toutes les autres suivent, de cette idĂ©e-principe dont nous ne pouvons que tirer des consĂ©quences, de cette idĂ©e mĂšre dont nous ne faisons que recueillir les productions Destutt de Tr., IdĂ©ol. 3,1805, p. 497.L'idĂ©e-levier de ce charmant esprit? C'est de se faire installer une vĂ©randa Ă Vernon Renard, Journal,1901, p. 644.Le cube Ă six faces Ă©gales est l'idĂ©e-limite par laquelle j'exprime la prĂ©sence charnelle du cube qui est lĂ , sous mes yeux, sous mes mains, dans son Ă©vidence perceptive Merleau-Ponty, PhĂ©nomĂ©nol. perception,1945, p. 236.L'idĂ©e-clef de l'habitude, la rĂšgle eidĂ©tique qui commande toute enquĂȘte empirique, est que le vivant apprend » par le temps RicĆur, Philos. volontĂ©,1949, p. 264. adj. et subst.,domaine des a Adj. Dont le but est l'expression de l'idĂ©e ou des idĂ©es. En exprimant le programme de la nouvelle Ă©cole, dans un article cĂ©lĂšbre du Mercure de France, Albert Aurier ne faisait autre chose que rĂ©sumer Delacroix L'Ćuvre d'art, disait-il Ă son tour, sera idĂ©iste, puisque son idĂ©al unique sera l'expression de l'idĂ©e; symboliste puisqu'elle exprimera cette idĂ©e par des formes... » Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 269.b Subst. α Subst. fĂ©m. Ăcole de peinture d'aprĂšs laquelle l'Ćuvre d'art est ou doit ĂȘtre l'expression de l'idĂ©e ou des idĂ©es. Ces deux ... esthĂ©tiques rivales, la naturaliste et l'idĂ©iste, l'une professant que l'extĂ©rioritĂ© des choses est, en elle-mĂȘme, intĂ©ressante et suffisante Ă l'Ćuvre d'art; l'autre, l'idĂ©iste, niant, au contraire, cela et ne voulant considĂ©rer les formes matĂ©rielles que comme les lettres d'un mystĂ©rieux alphabet naturel servant Ă Ă©crire les idĂ©es, seules importantes, puisque l'art n'est qu'une matĂ©rialisation spontanĂ©e et harmonieuse des idĂ©es J. Huret, EnquĂȘte sur l'Ă©volution littĂ©raire,1891, p. 131 ds Quem. DDL t. 13. ÎČ Subst. masc. Peintre reprĂ©sentant cette Ă©cole. On annonce un nouveau Salon des Impressionnistes, ..., un des Symbolistes, et ... celui des IdĂ©istes Le Journ. amusant,9 janv. 1892ds Quem. DDL t. 17.Prononc. et Orth. [ide]. Att. ds Ac. dep. 1694. Ătymol. et Hist. A. 1. a 1119 idees formes des choses prĂ©sentes de toute Ă©ternitĂ© en Dieu » Ph. de Thaon, Comput, Ă©d. E. Mall, 1523; 1370-72 ydee archĂ©type commun constituant la notion gĂ©nĂ©rale d'une espĂšce; notion intellectuelle prĂ©existante d'un ĂȘtre ou d'un objet particulier » Oresme, Ethiques, Ă©d. A. D. Menut, p. 113; b 1458 ydees types, prĂ©existant dans notre intention, d'une action que nous ferons plus tard » A. Greban, MystĂšre de la Passion, Ă©d. O. Jodogne, 48; 1670 projet, dessein » MoliĂšre, Amants magnifiques, 2. a 1487 forme ou image » Vocabulaire latin-français, Loys Garbin, idea; b 1552 image d'un objet ou d'un ĂȘtre, telle que les sens la perçoivent » Ronsard, Les Amours, 13 ds Ćuvres, Ă©d. P. Laumonier, IV, p. 30; c 1564 image de quelque chose ou de quelqu'un, telle que l'esprit la conserve dans le souvenir et se la reprĂ©sente par l'imagination » Thierry; 3. a 1583 reprĂ©sentation, en tant qu'objet de pensĂ©e, d'un ĂȘtre ou d'une chose dans notre esprit, quelle que soit l'origine de cette reprĂ©sentation Ph. Desportes, ElĂ©gies, Ă©d. V. E. Graham, II, 5; b 1656 ensemble de pensĂ©es et de jugements appliquĂ© Ă un ou plusieurs objets et constituant une opinion plus ou moins motivĂ©e » Pascal, Provinciales, XIV ds Ćuvres compl., Ă©d. L. Lafuma, p. 439b. B. a 1616 par idee de façon imaginaire » A. d'AubignĂ©, Tragiques, Ă©d. A. Garnier et J. Plattard, II, p. 86, 1178; b 1643 en idĂ©e id. » P. Corneille, La suite du Menteur, II, 1. Du lat. idea idĂ©e [de Platon], type de choses » en lat. tardif forme visible » d'oĂč 2, lui-mĂȘme empr. au gr. Îč Ì ÎŽ Δ Ì Î± proprement forme visible, aspect » d'oĂč forme distinctive, espĂšce », qui se rattache Ă Îč Ì ÎŽ Δ Îč Ì Îœ comme le lat. species Ă spectare, inf. aoriste2de Δ Îč Ì ÎŽ Îż Μ voir »; pour l'hist. de ce mot v. FEW t. 4, pp. 532-535. FrĂ©q. abs. littĂ©r. 47 911. FrĂ©q. rel. littĂ©r. xixes. a 85 873, b 59 538; xxes. a 61 944, b 61 326. Bbg. Gohin 1903, p. 247, 336. - Meschonnic H.. Essai sur le ch. lex. du mot idĂ©e. Cah. Lexicol. 1964, t. 5, pp. 57-68. - Quem. DDL t. 9, 12, 13, 17. - Sckomm. 1933, pp. 53-60 - Zumthor P.. Pour une hist. du vocab. fr. des idĂ©es. Z. rom. Philol. 1956, t. 72, p. 350. Dansle monde, il existe des Ă©nigmes, et ceux quâelles intriguent aimeraient en savoir plus long sur lâagencement, sur la trame de lâexistence. Ces Ă©nigmes, en voici des Romancier, auteur touche-Ă -tout, propagandiste des idĂ©es libĂ©rales pour le grand public, Edmond About 1828-1885 jouit aujourdâhui dâune cĂ©lĂ©britĂ© en demi-teinte. Ses romans, lus surtout par un jeune public, sont frĂ©quemment rééditĂ©s ; mais la partie doctrinale de son Ćuvre, faite de livres comme Le ProgrĂšs 1864 ou lâABC du travailleur 1868, est tombĂ©e dans lâoubli, malgrĂ© la force des idĂ©es libĂ©rales quâils contiennent et leur style entraĂźnant. Dans lâĂ©tude qui suit, la contribution dâAbout au libĂ©ralisme français est Ă©tudiĂ©e pour la premiĂšre fois avec profondeur et sur la base de documents inĂ©dits. [Avertissement prĂ©alable sur son nom et ses origines] Il y a des clairiĂšres ou des forĂȘts oĂč vous nâavez pas risquĂ© un demi-pas quâun Ă©criteau vous annonce un danger ; ne peut-on pas marcher en paix ? Cependant ici je dois moi-mĂȘme procĂ©der ainsi pour Ă©viter quâon ne prononce Ă la maniĂšre anglo-saxonne le nom de lâhomme dont je vais parler, et pour toute raison je citerai la convenance, la douceur française, lâamĂ©nitĂ©, quoique jâaie derriĂšre moi aussi la force des faits car en vieux français about, habout, a signifiĂ© limite dâun champ, borne, ou encore hypothĂšque, en droite ligne du latin abbotum, abdoutamentum, et le nom a pu ĂȘtre donnĂ© Ă un arpenteur ; ou alors il honorait un simple pĂȘcheur, en le dĂ©corant du nom donnĂ© Ă un filet de pĂȘche que lâon plaçait au bout dâun Ă©tang ou dâune Ă©cluse pour retenir le poisson. Johannes Baumgarten, Glossaire des idiomes populaires du nord et du centre de la France, 1870, p. 62. Quoi quâil en soit Edmond About Ă©tait dâorigine modeste ; il ne lâignorait pas, et en tirait mĂȘme une certaine fiertĂ©, rappelant par exemple dans une dĂ©dicace Ă sa fille Valentine, en ouverture de lâun de ses romans, quâils nâont ensemble pour ancĂȘtre que des pauvres, des humbles et des petits. » Le roman dâun brave homme, 1880, p. vi. Par la gaietĂ© de son tempĂ©rament et son Ă©criture lĂ©gĂšre, par son engagement pour la libertĂ© et ses convictions anti-clĂ©ricales, About a plus tard mĂ©ritĂ© le titre passablement flatteur de petit-fils de Voltaire. Lui-mĂȘme, dans sa modestie, nâambitionnait pas dâĂȘtre mis au rang de si brillants prĂ©dĂ©cesseurs. Je nâai reçu de la nature », disait-il, quâun atome de bon sens, une miette balayĂ©e sous la table oĂč Rabelais et Voltaire, les Français par excellence, ont pris leurs franches lippĂ©es. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 3 Un gĂ©nĂ©alogiste dirait quâil Ă©tait surtout lâenfant de son siĂšcle. [Premier tir dans son abondante littĂ©rature] Auteur dâune Ćuvre immense, et ayant travaillĂ© tous les genres, Edmond About sâoffre Ă nous dans toute son abondance et sa dĂ©mesure. Il appelle, par cet excĂšs mĂȘme, Ă une classification prĂ©alable. Lâironie veut que cet auteur infatigable ait dâabord formĂ© le vĆu de la concision. La veille de ses dix-huit ans câĂ©tait en fĂ©vrier 1846, il affirmait en effet devant lâun de ses amis du collĂšge Charlemagne une rĂ©solution ferme et passablement courageuse, dont il a pris plus tard le contre-pied. Si jamais jâĂ©cris », affirmait-il alors, je ne ferai pas comme tous ces gens stupides qui, incessamment, entassent volume sur volume ; je publierai peu, je soignerai beaucoup, je reviendrai Ă la langue des seiziĂšme et dix-septiĂšme siĂšcle. » Journal de jeunesse de Francisque Sarcey, 1903, p. 15. Sa vie durant, About nâa rien soignĂ© ; sa verve naturelle lâemportait Ă tous les diables, et il se laissait mener. LâĂ©tude de ses manuscrits lâindique dâailleurs passablement son Ă©criture est claire, sans rature aucune, comme sâil composait sous la dictĂ©e dâun autoritĂ© supĂ©rieure, qui lui inspirĂąt ses phrases. Ayant choisi, de bonne heure, de nâavoir Ă proprement aucune spĂ©cialitĂ©, il empruntait aux meilleurs maĂźtres et Ćuvrait en propagateur ; il se comparait lui-mĂȘme au vagabond, dont le destin est de traĂźner sa destinĂ©e prĂ©caire sur le terrain de tout le monde, glanant aprĂšs les moissonneurs, hallebotant aprĂšs les vendangeurs, braconnant aprĂšs le plus spirituel et le plus aimable des chasseurs. » Causeries, vol. II, 1866, p. 221 TrĂšs fermement convaincu du sens du progrĂšs et de la supĂ©rioritĂ© de la libertĂ© sur le contrainte, il en propageait les arguments dans toutes les petites batailles de la presse, dans ses Ćuvres littĂ©raires et dans ses Ă©crits plus sĂ©rieux. Au sein de lâarmĂ©e du progrĂšs, il prenait ainsi tous les rĂŽles tantĂŽt Ă lâavant-garde, tantĂŽt Ă lâarriĂšre-garde, tirailleur, Ă©claireur, enfant perdu, clairon, toujours simple soldat et content de porter lâĂ©paulette de laine, mais fermement rĂ©solu Ă ne jamais me perdre dans la foule honteuse des traĂźnards » Idem, p. 245. Si la presse occupa une si grande place dans sa vie, câest pour cette raison prĂ©cise que le journaliste nâĂ©labore pas de lui-mĂȘme des idĂ©es, mais les colporte dans le monde ; quâil fournit ainsi une nourriture facile et aisĂ©ment ingurgitable ; enfin quâil effleure chaque sujet et Ă©claire un peu le chemin que le lecteur accomplira seul ou guidĂ© par dâautres Idem,p. 340, 89, 260. Le dĂ©chaĂźnement des passions dans la presse quotidienne le mĂ©contentait sans le dĂ©goĂ»ter, car il gardait une vue claire de lâavenir, et il ne doutait pas que la postĂ©ritĂ©, dĂ©gagĂ©e des querelles et des scandales, montrerait de la reconnaissance pour les vrais artisans du progrĂšs, et que pareille Ă la divinitĂ© elle aurait le jugement sĂ»r et reconnaĂźtrait les siens. Cette vision sereine de lâavenir tranchait, naturellement, avec le combat quotidien des journaux et lâanimositĂ© rĂ©currente de la critique et du public, envers nombreuses de ses productions. LâĂ©chec terrible de sa piĂšce GaĂ«tana est restĂ© cĂ©lĂšbre dans lâhistoire, et lui-mĂȘme joua de cette dĂ©faveur monumentale, aprĂšs avoir ruminĂ© patiemment sa colĂšre il ajouta des notes Ă son texte, pour indiquer les moments oĂč le public avait commencĂ© Ă siffler, ou ceux pendant lesquels il avait fait savoir quâil savait imiter les cris des animaux les plus divers ». GaĂ«tana, drame en cinq actes, 5eĂ©dition, 1862, p. 76. CâĂ©tait, pour un homme du siĂšcle, si intĂ©grĂ© dans le dĂ©bat des idĂ©es, la consĂ©quence naturelle de son engagement, et About savait rendre les coups. Dans sa longue carriĂšre de critique dâart, par exemple, il a multipliĂ© les morsures, et disposant dâun vocabulaire trĂšs souple il a laissĂ© quelques saillies mĂ©morables, comme cette accusation de crime de lĂšse-dessin » Ă lâencontre de Mme Doux et de son Portrait de femme. Nos artistes au salon de 1857, 1858, p. 206. La liste de ses piĂšces de théùtres, nouvelles et romans, est dĂ©routante, et ses articles de journaux sont proprement innombrables. La contribution Ă la pensĂ©e libĂ©rale française Ă©tant le seul point de vue par lequel jâaie Ă considĂ©rer About, une vaste partie de son Ćuvre nâa pas vocation Ă ĂȘtre Ă©tudiĂ©e ici. Cependant un grand nombre de ses romans reprennent en arriĂšre-plan des questions dâadministration ou dâĂ©conomie politique, deux domaines qui le passionnaient. Lâagriculture et le dĂ©frichement, lâindustrie et ses mĂ©tiers, forment le fond du Fellah 1869, du Roman dâun brave homme 1880, de MaĂźtre Pierre 1862, de Madelon 1863 ou de lâInfĂąme 1867. Des considĂ©rations sur lâagriculture, les effets dâune fiscalitĂ© Ă©crasante, etc., se retrouvent aussi dans certains livres sĂ©rieux, consacrĂ©s Ă des questions dâactualitĂ©, Ă©trangĂšres au libĂ©ralisme Ă proprement parler, comme La question romaine 1859. Je ferai une exception pour sa GrĂšce contemporaine 1854, car ce livre a connu un rebond de cĂ©lĂ©britĂ© il y a quelques annĂ©es, Ă lâoccasion des dĂ©boires financiers de lâĂtat grec. Quant aux autres prĂ©occupations dâAbout associĂ©es Ă la libertĂ©, et qui se trouvent exposĂ©es dans ses romans â voir par exemple la Fille du chanoine, premiĂšre nouvelle du recueil les Mariages de province 1868, dans lequel About dĂ©crit les dĂ©boires causĂ©s par lâoppression parentale dans la question du mariage â je ne retiendrai que celles quâil a exposĂ©es patiemment dans ses quelques ouvrages de doctrine. Car en marge, dâun cĂŽtĂ©, de son engagement quotidien dans la presse, et de lâautre de son Ćuvre lĂ©gĂšre et mĂȘme parfois frivole de romancier ou dâhomme de théùtre, About a Ă©crit plusieurs livres et brochures consacrĂ©es directement aux grandes questions politiques, Ă©conomiques et sociales. Il y eut mĂȘme dans sa carriĂšre une dĂ©cennie spĂ©ciale durant laquelle il abandonna la littĂ©rature pour traiter, avec son style lĂ©ger et entraĂźnant, des grands thĂšmes habituellement couverts par les Ă©conomistes libĂ©raux tels que FrĂ©dĂ©ric Bastiat, Michel Chevalier ou Gustave de Molinari. Câest George Sand, semble-t-il, qui le poussa surtout Ă sâengager dans cette voie. Vous ĂȘtes un grand satirique et un grand avocat », lui Ă©crivit-elle en mai 1863 ; vous nâĂȘtes pas fait pour amuser seulement. Vous ĂȘtes fait pour redresser et pour instruire. » Correspondance de Georges Sand, vol. XVII, 1964, p. 633. Avant mĂȘme cette proposition, on peut citer dâAbout, dans le genre sĂ©rieux et libĂ©ral ici considĂ©rĂ©, sa courte lettre sur la libertĂ© de lâenseignement, publiĂ©e en 1860. Lâun de ses confrĂšres imprimait alors un projet de rĂ©forme aboutissant Ă confier Ă lâĂtat lâĂ©ducation nationale About repoussa ce projet, le qualifiant de vĂ©ritable dictature », et il se prononça pour la libertĂ© absolue » de lâenseignement. ConsidĂ©rations sur la libertĂ© dâenseignement par Marie-Henry de La Garde, suivies dâune lettre adressĂ©e Ă lâauteur par Edmond About, 1860, p. 46-47. En 1864 parut Le ProgrĂšs, qui est peut-ĂȘtre le chef-dâĆuvre dâAbout, et son ouvrage de doctrine le plus fĂ©cond et le plus abouti. Me proposant dâanalyser plus loin les idĂ©es libĂ©rales dâAbout, je ne ferai ici que mentionner son succĂšs remarquable, et ses rééditions en 1864, 1865, et 1867. La popularitĂ© et le succĂšs nâĂ©tant par dĂ©finition pas communs, je joindrai dans cette analyse bibliographique la liste des rééditions des textes libĂ©raux dâAbout, car peu dâauteurs, mis Ă part peut-ĂȘtre Jules Simon, ou Tocqueville mort en 1859, rencontrĂšrent Ă cette Ă©poque une si large diffusion. En 1865, About publia encore une petite brochure, reproduite plus tard dans la deuxiĂšme sĂ©rie des Causeries elle est consacrĂ©e Ă la libertĂ© du travail des femmes. Il avait saisi lâoccasion du rejet des femmes de lâindustrie typographique, rejet quâil qualifie de prĂ©tention injuste, illibĂ©rale, illogique au premier chef » La justice, etc., 1865, p. 7 ; Causeries, vol. II, 1866, p. 298, pour faire le procĂšs des inĂ©galitĂ©s lĂ©gales, existantes ou projetĂ©es, entre les hommes et les femmes. Son argument majeur Ă©tait quâil nây a pas deux logiques, lâune pour les hommes, lâautre pour les femmes, et que la libertĂ© du travail vaut pour tout le monde. La justice, etc., 1865, p. 22 ; Causeries, vol. II, 1866, p. 318 Aussi disait-il aux hommes qui cherchaient Ă exclure du marchĂ© leurs concurrentes fĂ©minines et Ă les renvoyer dans leur foyer, oĂč elles gagneraient leur pain comme elles pourraient Tout ĂȘtre intelligent choisit librement un travail, selon ses goĂ»ts et ses aptitudes. Vous trouveriez injuste et rĂ©voltant que lâon vous contraignĂźt Ă casser des pierres sur les routes. Homme ou femme, chacun peut vivre comme il lui plaĂźt, pourvu quâil ne nuise Ă personne. » La justice, etc., 1865, p. 17 ; Causeries, vol. II, 1866, p. 312 Mais je reviendrai plus tard sur la dĂ©fense de la cause fĂ©minine par Edmond About. Dans le domaine de lâĂ©conomie politique, il a encore consacrĂ© un livre pour prouver aux masses lâutilitĂ© des assurances sur les biens et sur les personnes Les questions dâargent. LâAssurance, 1865, rééditĂ© en 1866 et 1874 et une petite brochure sur le thĂšme plus prĂ©cis encore de lâĂ©pargne populaire et de lâassurance sur la vie Le capital pour tous. Plus de prolĂ©taires, 38 millions de bourgeois, 1868. Mais câest surtout son A B C du travailleur 1868 qui nous arrĂȘtera. Cette Ćuvre gĂ©nĂ©raliste qui connut un vrai succĂšs, et qui sera rééditĂ©e quatre fois 1869, 1879, 1882, 1888, Ă©tait conçue comme un traitĂ© dâĂ©conomie Ă lâusage des masses. Le CatĂ©chisme dâĂ©conomie politique de Jean-Baptiste Say Ă©tant jugĂ© trop austĂšre et trop abstrait, About en livra sa propre version, en lui donnant aussi un titre laĂŻcisĂ©. CâĂ©tait, sur le terrain des questions proprement Ă©conomiques, la continuation de son Ćuvre de propagandiste. [Nature de sa contribution au libĂ©ralisme] Les Ă©crits dâAbout sont remplis de passages succulents, de bons mots, de comparaisons habiles, propres Ă toucher les masses. Les contemporains qui lâont cĂŽtoyĂ© racontent que lorsquâun trait saillant traversait son esprit, il ne pouvait sâempĂȘcher ou de le dire ou de lâĂ©crire, et que dans les rĂ©unions privĂ©es quâil Ă©gayait de son esprit, sa femme mĂȘme ne pouvait le retenir, et gĂ©missait impuissante en disant Edmond ! » Marcel ThiĂ©baut, Edmond About, 1936, p. 129-130. Son humeur mordante, son esprit sans cesse railleur, le font distinguer de Bastiat, auquel il ressemble tant par ailleurs, mais dont la verve Ă©tait propre, presque douce, comme son caractĂšre. About au contraire, qui sait manier lâhumour, ne manque pas non plus de la capacitĂ© dâĂ©craser son adversaire sous une plaisanterie confondante. Sa contribution au libĂ©ralisme français se rapproche, par lâintention, de celle de FrĂ©dĂ©ric Bastiat mais About nâa pas de prĂ©tention scientifique, et sâil Ă©tudie les faits et les statistiques, ce nâest pas pour en faire usage, mais pour observer ou vĂ©rifier des tendances. LâĂ©conomie politique, il la saisit comme un Ă©colier, et ne songe pas Ă la rĂ©former. Ce quâil accomplit, ou du moins ce quâil ambitionne, câest de passer les vĂ©ritĂ©s de la science dans le fond commun du savoir, câest dâenseigner les principes de la libertĂ© aux prolĂ©taires, par exemple, en publiant des livres attrayants, des brochures Ă bon marchĂ©, qui parlent leur langue et soient dĂ©cidĂ©ment destinĂ©s Ă les instruire. Edmond About dispose pour cela du tempĂ©rament et des compĂ©tences techniques nĂ©cessaires. SĂ©duit, vers 1848, par les idĂ©es socialistes, desquelles il est revenu, il connaĂźt la force des prĂ©jugĂ©s populaires et ne mĂ©dit pas du pauvre ouvrier qui dĂ©raisonne. Lui aussi, Ă©tant lycĂ©en, sâimaginait que la communautĂ© des hommes devait se faire dans le partage des richesses de ce monde, que la terre Ă©tait Ă tous, ou que lâargent Ă©tait sale, et la richesse une flĂ©trissure A B C du travailleur, 1868, p. 11, 180. About sait en outre parler le langage des masses, en assaisonnant ses considĂ©rations thĂ©oriques de comparaisons et dâhistoriettes. [Appui donnĂ© par lâĂ©tude de ses papiers inĂ©dits] Mais avant dâen venir aux principes quâil a dĂ©fendus dans ses Ă©crits en renouvelant leur prĂ©sentation et leur argumentation, il me faut indiquer une ressource supplĂ©mentaire Ă la comprĂ©hension de sa pensĂ©e vraie. Son livre du ProgrĂšs rassemble, je lâai dit, ses conceptions libĂ©rales et les expose dâune maniĂšre didactique et assez complĂšte. Mais lâexamen des papiers dâAbout indique que ce texte nâĂ©tait quâune version adoucie, censurĂ©e, dâun premier travail plus audacieux. DĂ©jĂ Ludovic HalĂ©vy avait notĂ© dans ses carnets, en dĂ©cembre 1863, que le futur livre dâAbout serait sensiblement remaniĂ© par lâĂ©diteur, Louis Hachette. About est Ă Paris » marque-t-il. Il Ă©tait hier soir Ă lâOpĂ©ra. Il a terminĂ© un ouvrage politique et philosophique, le ProgrĂšs. Ouvrage absolument impie, dit-il, et qui distancera la Vie de JĂ©sus[dâErnest Renan 1863]. LâathĂ©isme est indiquĂ© comme la base nĂ©cessaire des sociĂ©tĂ©s futures. Quant Ă JĂ©sus-Christ, Aboutlâappelait Un IsraĂ©litedistinguĂ© dont M. Renan a fait un portrait trop flattĂ©. Mais le prudent Hachette a reculĂ© devant cette phrase originale About a dĂ» la supprimer. » Carnets, 1862-1869, 1935, p. 28 Aujourdâhui nous nâavons pas la trace du premier Ă©tat du texte ; mais les archives personnelles dâEdmond About, conservĂ©es Ă lâInstitut Ms. 3984, nous donnent Ă lire un autre document important, Ă savoir les placards corrigĂ©s, oĂč Hachette a portĂ© des commentaires, barrĂ© des passages, demandĂ© des adoucissements, sur une version du texte qui Ă©tait dĂ©jĂ amendĂ©e. En comparant les placards avec le texte imprimĂ©, il est clair que le message dâEdmond About a Ă©tĂ© adouci. Ă titre dâexemple, lâesprit le plus faux et le plus arrogant du dix-septiĂšme siĂšcle, lâĂ©vĂȘque Bossuet », devient lâimmortel Bossuet » dans le texte imprimĂ©. De mĂȘme, un passage qui critique lâadministration aprĂšs lâaccident sur le chemin de fer des dunes de lâOuest, entre Carnac et Quiberon, se trouve tout Ă coup transportĂ© en Chine, entre Ning-Po et Ky-Tcheou, pour ne pas heurter les sensibilitĂ©s. Non seulement About a dĂ» faire des concessions dans le style, pour Ă©viter les attaques trop violentes contre la religion notamment, mais il a transformĂ© aussi Ă certains endroits sa pensĂ©e, quand elle Ă©tait jugĂ©e trop audacieuse. Jâen donnerai ici un exemple frappant. Le dixiĂšme chapitre du placard, intitulĂ© Le droit et lâassociation » â et qui est devenu le cinquiĂšme dans lâimprimĂ©, sous le titre Le droit » â, se prĂ©sente comme un grand exposĂ© sur les droits individuels. Une modification de quelques mots, entre le placard et lâouvrage imprimĂ©, a produit dans cette discussion une altĂ©ration majeure. Dans la version originale, plus ou moins remaniĂ©e dĂ©jĂ , quâon lit dans le placard, le chapitre sâouvre par ces mots Qui que tu sois, lecteur, mĂąle ou femelle, fort ou faible, savant ou ignorant, noble ou roturier, Bourbon ou Durand, je te dĂ©clare, au risque dâĂ©tonner ta sottise et dâĂ©pouvanter ta couardise, que tu nâas ni maĂźtre, ni chef, ni supĂ©rieur naturel, et que ta personne et tes biens ne relĂšvent que de toi. » BibliothĂšque de lâInstitut, Ms. 3984 Or lâimprimĂ© fait une brĂšve modification, trĂšs lourde de sens, et on lit dĂ©sormais Homme grand ou petit, riche ou pauvre, fort ou faible, savant ou ignorant, noble ou roturier, Bourbon ou Durand, je te dĂ©clare, au risque dâĂ©tonner ta sottise et dâĂ©pouvanter ta couardise, que tu nâas ni maĂźtre, ni chef, ni supĂ©rieur naturel, et que ta personne et tes biens ne relĂšvent que de toi. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 59 Toute la puissance de la pensĂ©e dâAbout sur le droit Ă©gal des femmes Ă la libertĂ© individuelle et Ă lâauto-dĂ©termination est perdu. Certes, on peut encore lire dans le chapitre imprimĂ© quelques affirmations courageuses, mais dĂ©sormais vagues et sans force, comme celle qui professe quâ il nây a point de degrĂ©s dans la dignitĂ© humaine » Le ProgrĂšs, 1864, p. 59, mais lâagencement original du chapitre et la formulation trĂšs claire de son ouverture rendait davantage compte des intentions prĂ©cises de lâauteur. LâĂ©tude de ce document permet du moins cette observation prĂ©cieuse, quâau sein dâune gĂ©nĂ©ration de libĂ©raux dont la conversion aux principes du fĂ©minisme libĂ©ral Ă©tait encore Ă faire, Edmond About a cherchĂ© avec fermetĂ© Ă placer la libertĂ© individuelle des femmes sur le plan de lâĂ©galitĂ©. En consultant ses romans ou ses autres ouvrages sĂ©rieux ou rĂ©putĂ©s tels, cette connotation nâest certes pas une surprise. On sait quâil disait de la question des femmes, que câĂ©tait un sujet sur lequel on ne saurait trop sâĂ©tendre » Causeries, vol. II, 1866, p. 14 Et non content dâavoir livrĂ© bataille pour leur garantir lâaccĂšs libre aux diffĂ©rents mĂ©tiers â et non seulement aux activitĂ©s du foyer, ou aux professions dites fĂ©minines â About avait aussi condamnĂ© la pauvretĂ© de lâĂ©ducation morale et intellectuelle apportĂ©e aux jeunes filles. Toute une moitiĂ© de la nation, le sexe fĂ©minin », Ă©crivait-il, appartient Ă la catĂ©gorie des non-valeurs relatives. AssurĂ©ment, la nature nâa rien fait de meilleur ni de plus intelligent que la femme ; elle est propre Ă tous les travaux de lâesprit ; elle est capable de tous les actes de dĂ©vouement et dâhĂ©roĂŻsme. Elle est plus courageuse que lâhomme et sans cela, la terre serait dĂ©peuplĂ©e depuis longtemps ; elle est plus sobre ; elle a toujours plus de finesse et souvent plus dâĂ©lĂ©vation dans les idĂ©es. Elle aborde avec succĂšs le commerce, lâindustrie, lâart, les lettres, les sciences, la politique mĂȘme, lorsquâun heureux hasard la met hors de page et Ă©mancipe ses talents. Mais lâhomme, qui sâapplique si bravement Ă perfectionner ses bĆufs, ses chevaux et ses chiens ; lâhomme qui a su dresser les Ă©lĂ©phants Ă danser la polka, les barbets Ă faire lâexercice et les petits oiseaux Ă dire la bonne aventure, met presque autant de zĂšle Ă rabaisser sa compagne et son Ă©gale par la plus odieuse et la plus sotte Ă©ducation. Jâai lu je ne sais oĂč, mais assurĂ©ment dans des livres Ă©crits en style noble, que le christianisme et la chevalerie avaient mis la femme sur le trĂŽne comment se fait-il donc quâelle soit encore gouvernĂ©e comme une ilote en jupons ? Pourquoi lâinstruction quâon lui donne est-elle entiĂšrement tournĂ©e Ă lâignorance ou Ă la niaiserie ? Dans quel intĂ©rĂȘt traitons-nous son cerveau comme le mandarin traite les pieds de sa chinoise ? Pourquoi poursuivons-nous dâune sorte de rĂ©probation toute femme qui cultive un autre art que la musique ? Pourquoi le travail est-il organisĂ© de telle façon quâune femme ne puisse honnĂȘtement gagner sa vie ? Pourquoi les industries fĂ©minines par excellence sont-elles envahies par MM. les lingers, corsetiers et couturiers, tandis quâune femme est gĂ©nĂ©ralement reçue Ă coups de fourche lorsquâelle se prĂ©sente comme compositeur dans une imprimerie ? » Le ProgrĂšs, 1865, p. 129-130. Ailleurs, il demandait sâil Ă©tait si prĂ©cieux et utile de bander les yeux des jeunes filles sur les pratiques de la vie maritale, et si un savoir honnĂȘte aurait Ă©tĂ© vraiment un vain bagage Causeries, vol. II, 1866, p. 22. [Les principes du libĂ©ralisme popularisĂ©s par About] About a poursuivi sa carriĂšre de propagandiste des idĂ©es libĂ©rales avec lâambition premiĂšre dâĂȘtre clair, instructif et convaincant. Il Ă©crivait pour les masses, et cela impliquait dâadapter lâexposition et lâexpression des idĂ©es au lecteur, fĂ»t-il un simple paysan, un manouvrier ou un domestique. La gloire des grandes productions de lâesprit, About la laissait Ă ses amis, collĂšgues, et frĂ©quentations, Michel Chevalier, Ădouard de Laboulaye ou Hippolyte Taine. Sa tĂąche Ă lui Ă©tait plus sommaire. La plupart des savants Ă©crivent pour se faire admirer », notait-il une fois ; je ne suis quâun ignorant de bonne volontĂ©, et je nâai dâautre ambition que dâĂȘtre compris. » LâAssurance, 1865, p. 23 MĂȘme renfermĂ© dans ces bornes modestes, About frappait par son enthousiasme et son ardeur communicative. Dâun coup dâĆil, il saisissait la grande valeur dâune question dâĂ©conomie politique, et lâexposait sans broncher en termes simples Ă un public enragĂ© par les prĂ©jugĂ©s contraires. Pour ceux qui, Ă ses cĂŽtĂ©s, ne partageaient pas son goĂ»t pour les questions Ă©conomiques, il paraissait un illuminĂ©, touchĂ© par la grĂące. Quâil sâagit du libre-Ă©change ou des sociĂ©tĂ©s de coopĂ©ration », dit Joseph Reinach, de la question monĂ©taire ou des grĂšves, des non-valeurs de la terre ou de lâassurance, des transports ou de la mutualitĂ©, ilsâassimilait les principes gĂ©nĂ©raux avec une prodigieuse facilitĂ© et il en parlait avec une telle abondance dâarguments et de renseignements, avec une telle prĂ©cision et une telle sĂ»retĂ©, quâon eĂ»t jurĂ© quâil ne sâĂ©tait jamais occupĂ© dâautre chose. » Le dix-neuviĂšme siĂšcle, 1892, prĂ©face, p. xxxv Cette terre dâadoption nâĂ©tait pas, on le sait, sa spĂ©cialitĂ©, car Ă vrai dire About nâen eut jamais aucune ; aussi on nâespĂšre pas quâil fĂ»t, dans la dĂ©fense des idĂ©es libĂ©rales, aussi neuf et brillant que les grands maĂźtres Ă penser qui lui donnĂšrent la matiĂšre de ses ouvrages. Son mĂ©rite est Ă trouver ailleurs. Ăcrivant pour les ouvriers, il leur parle un langage de sagesse, et donne le change aux Ă©crivains socialistes qui enveniment les dĂ©bats. About, lui, nâoffre ni sĂ©duction factice ni promesse illusoire. Aux ouvriers qui rĂ©pĂštent les mots qui les ont flattĂ©, et se disent des dĂ©shĂ©ritĂ©s, il rĂ©pond que non rien nâest plus faux. DĂ©shĂ©ritĂ©s par qui ? DĂ©shĂ©ritĂ©s de quoi ? Leurs pĂšres nâont rien laissĂ© pour eux. Ont-ils la prĂ©tention dâhĂ©riter dâun inconnu, au dĂ©triment des successeurs lĂ©gitimes ? » A B C du travailleur, 1868, p. 261. De mĂȘme, About Ă©crit que câest presque toujours par une mĂ©prise que lâouvrier se croit volĂ© par le capital ou le capitaliste il sâexagĂšre la valeur de son travail et dĂ©prĂ©cie le travail de son collaborateur, ce travailleur massif en fonte, qui a pour nom capital. A B C du travailleur, 1868, p. 266 Par ricochet les profits et ce que lâĂ©conomie marxiste nommait la plus-value sont de toute justice, et aucune expression nâest plus vide de sens que celle qui parle dâexploitation de lâhomme par le capital. Les agitateurs socialistes, dont les pĂ©roraisons raisonnent dans les usines, se trompent donc sur les motifs ; et lâon sâaperçoit rapidement que leurs conclusions ne valent guĂšre mieux. Redistribuer les revenus serait une pratique honteuse et illĂ©gale, dit About, car lâĂtat a pour mission de protĂ©ger les propriĂ©tĂ©s, non de les violer. Le capital pour tous, 1868, p. 4 DĂ©cerner des droits nouveaux par excĂšs de philanthropie irait de mĂȘme Ă contre-sens du progrĂšs. Le droit Ă lâĂ©ducation, notamment, est une prĂ©tention abusive, qui renverse les droits et corrompt le principe de la propriĂ©tĂ©. Le ProgrĂšs, 1864, p. 70 Et si les ressources de lâassociation sont estimables, ce nâest pas, dit-il, dans de grandes sociĂ©tĂ©s coopĂ©ratives de consommation quâil faut placer ses espoirs, lâessai ayant donnĂ©, en Angleterre, des rĂ©sultats piteux, hĂ©las conformes aux principes. A B C du travailleur, 1868, p. 283 De mĂȘme, la grĂšve a pour vice rĂ©dhibitoire de nuire Ă©galement aux deux parties et de produire des privations et des ruines, quand il serait plus sensĂ© de sâentendre dâemblĂ©e. Causeries, vol. II, 1866, p. 143 Quelle solution reste-t-il, alors ? Il reste pour lâouvrier pauvre la ressource dâune organisation sociale et Ă©conomique qui facilitera son Ă©lĂ©vation, câest-Ă -dire la libertĂ© de produire et dâĂ©pargner paisiblement. A B C du travailleur, 1868, p. 156 Il lui reste aussi Ă comprendre que les intĂ©rĂȘts du capital et du travail sont harmoniques, et quâau lieu de maugrĂ©er contre la fortune dâautrui, il vaut mieux quâil souhaite Ă son prochain lâopulence et la fortune, et cela dans son propre intĂ©rĂȘt. Idem, p. 138-139 et p. 140 Dans une dĂ©marche dâhonnĂȘtetĂ© intellectuelle, et avec un vrai sens de lâintĂ©rĂȘt des travailleurs, About expose aussi les grands principes de lâĂ©conomie libre, par lesquels chacun consomme, travaille ou Ă©change, portĂ© par le courant continuel du progrĂšs. Dans lâA B C du travailleur, notamment, il revient sur le motif structurant de lâintĂ©rĂȘt personnel, qui est Ă la base de lâĂ©change et des autres faits Ă©conomiques. Tous les producteurs produisent en vertu du mĂȘme principe » explique-t-il, qui est lâintĂ©rĂȘt personnel bien compris. Le boulanger ne pĂ©trit pas le pain pour nourrir les autres hommes, mais pour gagner son pain lui-mĂȘme et manger Ă son appĂ©tit. Le maçon ne bĂątit pas pour loger le prochain, mais pour payer son terme. » A B C du travailleur, 1868, p. 63-64 Et si chacun obtient par son travail spĂ©cial les moyens de mener sa vie et de la soutenir, câest que lâĂ©change leur permet dâobtenir ce quâils dĂ©sirent. Ce mĂ©canisme de lâĂ©change, central dans lâĂ©conomie des sociĂ©tĂ©s, About en fait un vibrant Ă©loge, et il dit Ă ses modestes lecteurs que si les hommes raisonnaient un peu, ils seraient tous en admiration et en reconnaissance devant le mĂ©canisme bienfaisant de lâĂ©change. Il nous permet dâobtenir tous les biens qui nous manquent, tous les services que nous ne pourrions nous rendre Ă nous-mĂȘmes. Et Ă quel prix ? Moyennant un travail utile, nâimporte lequel, qui est toujours laissĂ© Ă notre choix. » Idem, p. 121-122 Le mĂ©rite du fonctionnement libre du marchĂ© se prĂ©sente aussi par contraste, lorsque lâon considĂšre les opĂ©rations auxquelles donne lieu lâintervention de lâĂtat dans lâĂ©conomie primes, subventions, services publics. On se demande par quelle notion de la justice les amateurs de spectacles, du théùtre et de lâopĂ©ra, par exemple, voient leur places subventionnĂ©es par ceux qui prĂ©fĂšrent passer leur soirĂ©e au cafĂ©, oĂč aucun concitoyen ne paie leur addition. Le ProgrĂšs, 1864, p. 319 Câest pourtant ce qui survient dans toute opĂ©ration qui dĂ©pend du domaine administratif, rappelle About lâhomme qui reste chez lui paie lâentretien des routes impĂ©riales, et celui qui ne va pas Ă la messe nâen contribue pas moins Ă la rĂ©paration des Ă©glises. Idem, p. 235 Ă lâinverse, le marchĂ© â ou lâassociation libre », comme dit About â coordonne directement les besoins individuels et Ă©tablit leur balance dans la justice et la proportionnalitĂ©. Ainsi, en achetant un billet lâutilisateur dâune ligne de chemin de fer pait le prix du service quâon lui rend, et celui qui ne voyage pas conserve son argent pour assouvir ses propres besoins. Idem, p. 235 Le mĂ©canisme de lâĂ©change a encore pour vertu dâharmoniser les intĂ©rĂȘts et dâintroduire un Ă©lĂ©ment structurant de solidaritĂ© entre les peuples des diffĂ©rentes nations. Dans lâA B C du travailleur, About revient sur cette prĂ©tention courante chez les masses, de ne guĂšre se prĂ©occuper ou sâĂ©mouvoir des malheurs Ă©conomiques ou sociaux survenus dans une autre partie du monde, et que les journaux français leur rapportent. Que mâimporte le cholĂ©ra, sâil est aux Indes ? » tel est le langage du commun. Quâai-je Ă craindre de la guerre civile, si elle se dĂ©bat entre AmĂ©ricains ? Les TaĂŻpings ont Ă©gorgĂ© toute la population dâune province, mais je mâen moque bien câest en Chine ! » A B C du travailleur, 1868, p. 129 Pour lutter contre cette erreur Ă©conomique, About explique comment la destruction dâun bien, lâincendie dâun quartier, le saccage dâune rĂ©colte, produisent par ricochet les plus terribles consĂ©quences jusquâĂ lâautre bout de la planĂšte. Car les hommes et les femmes du monde entier sont les clients et les fournisseurs les uns des autres ; et celui qui sâest ruinĂ© nâachĂšte plus et ne vend plus. Aussi, la conclusion est celle dâun humanisme Ă lâĂ©chelle du monde, credo quâAbout a plusieurs fois rĂ©pĂ©tĂ© dans ses Ćuvres dans LâAssurance, il parle de ces hommes blancs, jaunes, rouges et noirs, tous solidaires les uns des autres comme les doigts de la mĂȘme main » LâAssurance, 1865, p. 29, et dans lâA B C du travailleur, oĂč cette idĂ©e apparaĂźt dans tout son dĂ©veloppement, il donne encore cette mĂȘme leçon, que ni les distances qui nous sĂ©parent, ni les diversitĂ©s dâorigine, de couleur et de civilisation qui nous distinguent, ni mĂȘme les malentendus qui nous arment parfois les uns contre les autres nâempĂȘchent lâhumanitĂ© de former un grand corps. » A B C du travailleur, 1868, p. 130. Le mĂ©canisme de lâĂ©change pourvoyant avec justice aux besoins Ă©conomiques des populations, le rĂŽle de lâĂtat apparaĂźt Ă About comme devant ĂȘtre essentiellement nĂ©gatif il sâagit uniquement de protĂ©ger les individus des ennemis du dehors et des malfaiteurs du dedans. A B C du travailleur, 1868, p. 166. Ă ce titre, lâĂtat peut ĂȘtre comparĂ© Ă une grande sociĂ©tĂ© dâassurances mutuelles. Le capital pour tous, 1868, p. 3 Toute intervention positive, contrevenant aux motifs des Ă©changes libres, amĂšnerait des dĂ©ceptions. Dâabord les rĂ©sultats ne seraient pas Ă lâauteur des ambitions, comme pour la fixation des salaires, oĂč lâintervention de lâautoritĂ© force les entrepreneurs Ă se passer des ouvriers dont le tarif excĂšde la vraie valeur. A B C du travailleur, 1868, p. 268. Ensuite, lâopĂ©ration, mĂȘme vaine, aurait encore eu pour mĂ©fait de violer la libertĂ© individuelle, qui est chose prĂ©cieuse. Elle lâĂ©tait, du moins, suffisamment pour About, pour quâil combatte chaque fois pour elle, et pour quâil cherche Ă convaincre ses concitoyens de sa valeur suprĂȘme. Quant Ă ceux qui se promettaient une existence plus douce dans les fers de lâĂ©tatisme ou du collectivisme, il les laissait se dĂ©battre dans leur folie, et se contentait de les avertir Bonnes gens, vous ĂȘtes libres dâabdiquer tous vos droits, puisque vous y trouverez quelque mĂ©rite ; mais nâabdiquez pas les miens, par un excĂšs de zĂšle ! Si le besoin dâobĂ©ir vous tourmente si fort, entrez dans une de ces associations particuliĂšres oĂč lâon fait vĆu dâobĂ©issance jâen serai quitte pour ne pas mâenfroquer avec vous. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 214 Quoiquâil ait toujours affichĂ© une prĂ©fĂ©rence marquĂ©e pour les questions relevant de lâĂ©conomie politique â dans le sens assez Ă©tendu quâavait alors ce terme â, Edmond About a aussi dĂ©fendu la libertĂ© et les solutions libres dans des aspects les plus divers. Il nâest pas jusquâaux questions de dĂ©forestation et de survie de la faune, qui ne lâaient vu proposer des solutions conformes Ă lâinitiative individuelle. Il voulait quâavec quelques prĂ©cautions de rigueur toutes les forĂȘts de lâĂtat et des communes soient vendues et exploitĂ©es enfin fructueusement par des individus ou des associations privĂ©es. Le ProgrĂšs, 1864, p. 123 De mĂȘme, il fournit des explications sur les moyens quâemploie en Allemagne lâinitiative individuelle, et quâelle emploierait de mĂȘme en France si on nây mettait des bornes, pour repeupler les Ă©tangs et les forĂȘts des espĂšces animales que la gestion laxiste et maladroite des autoritĂ©s voit diminuer et parfois disparaĂźtre Idem, p. 93-94. Dans le domaine de la politique, il a dĂ©fendu avec beaucoup de ferveur lâautonomie locale et il appelait ses compatriotes Ă dĂ©centraliser, mot qui Ă©tait encore un barbarisme, et quâil a participĂ© Ă imposer, une quinzaine dâannĂ©es avant son entrĂ©e dans le dictionnaire de lâAcadĂ©mie. Le ProgrĂšs, 1864, p. 232 Converti, avec quelques rĂ©ticences, Ă la dĂ©mocratie complĂšte et au suffrage universel, il entrevoyait des pĂ©rils possibles dans la tendance des candidats Ă flatter ce quâil appelait les illusions plĂ©bĂ©iennes ». A B C du travailleur, 1868, p. 278 Dans un article de son journal Le dix-neuviĂšme siĂšcle, il arguait mĂȘme que les codes, qui sont comme les bases de la sociĂ©tĂ© et de la civilisation, devraient ĂȘtre Ă lâabri des actions lĂ©gislatives. Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 2 septembre 1872 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 22. [La question de la religion] La plupart de ces idĂ©es et propositions libĂ©rales sont en phase avec lâorthodoxie des autres grands penseurs du siĂšcle. Lâune des dimensions de lâĆuvre dâEdmond About, au contraire, a donnĂ© lieu Ă des divisons trĂšs fortes parmi les diffĂ©rents reprĂ©sentants du libĂ©ralisme français, et mĂ©rite donc un traitement Ă part il sâagit de la religion. Edmond About a participĂ© au front anti-clĂ©rical, anti-religieux, prĂ©sent dans le libĂ©ralisme français, menant sa vie durant un combat Ăąpre et remarquĂ© contre toutes les croyances mystiques. Ă lâinstar de Voltaire, de Bayle ou plus tard dâYves Guyot, il se rattachait Ă lâĂ©cole des libre penseurs, ces esprits positifs, rebelles Ă toutes les sĂ©ductions de lâhypothĂšse, rĂ©solus Ă ne tenir compte que des faits dĂ©montrĂ©s. » Nous ne contestons pas lâexistence du monde surnaturel », disait-il encore ; nous attendons quâelle soit prouvĂ©e et nous nous renfermons jusquâĂ nouvel ordre dans les bornes du rĂ©el. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 9 De mĂȘme quâYves Guyot, dans sa prĂ©face Ă la réédition de la Religieuse, expliquera en 1886 la nĂ©cessitĂ© de continuer le combat engagĂ© par Diderot contre les couvents oĂč lâon enferme les jeunes filles nubiles La Religieuse, 1886, p. xxxvi, de mĂȘme Edmond About affirmera que les fabricants de miracles sĂ©vissent toujours, que les vellĂ©itĂ©s autoritaires de lâĂglise ne sont pas de lâhistoire, et que de nouvelles superstitions, plus sottes peut-ĂȘtre et plus rĂ©pugnantes, ont succĂ©dĂ© Ă celles dont Voltaire avait fait justice. Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 18 juillet 1876 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 109 Dans cette entreprise, About jeta tout le sel, toute lâamertume et toute lâironie quâil puisait en lui, et il se rendit dĂ©testable Ă quiconque conservait un souffle de conviction religieuse. Aujourdâhui encore, un honnĂȘte chrĂ©tien ne pourrait lire certaines de ses tirades sans grimace. Quand il Ă©voque les haras, il souligne par un Ă©loge feint les soins que donnaient Ă cette Ćuvre les moines de lâancien temps, grands reproducteurs eux-mĂȘmes » Le ProgrĂšs, 1864, p. 167 ; et quand il Ă©voque les Papes, dans son traitement de la question romaine, il ne peut sâempĂȘcher dâappeler cette institution une dictature sempiternelle, oisive, taquine, ruineuse, que des vieillards hors dâĂąge se transmettent de main en main » La question romaine, 1859, p. 123. Ă lâĂ©vidence, cette aigreur a participĂ© Ă la cĂ©lĂ©britĂ© du personnage. Elle nâĂ©tait dâailleurs pas feinte, ni forcĂ©ment outrĂ©e. DĂšs ses jeunes annĂ©es Ă lâĂcole normale, raconte son ami Francisque Sarcey, About Ă©tait si fixĂ© dans son opposition Ă la religion, quâil ne pouvait plus voir un catholique. Quand Barnave [Charles Barnave, Ă©lĂšve comme eux et futur prĂȘtre] parle, son visage se contracte et, sâil lui rĂ©pond, les mots amers et blessants lui coulent de la bouche. » Il faut avouer aussi que Barnave le lui rend bien », continue Sarcey. Il y a un mot de lui qui est authentique Quand je vois passer About, disait-il, il me prend des envies soudaines de sauter sur lui, de lâĂ©trangler de mes mains ; il me semble que je rendrais service Ă la religion. » Journal de jeunesse de Francisque Sarcey, 1903, p. 141. Au-delĂ de la violence du langage, il y a cependant, dans le combat anti-clĂ©rical dâEdmond About, quelques faits saillants qui mĂ©ritent dâĂȘtre rappelĂ©s. Dâabord, en exposant les principes du libĂ©ralisme Ă©conomique Ă destination des ouvriers, il Ă©tait naturel quâil blĂąmĂąt les prĂ©ceptes Ă©culĂ©s de lâĂglise catholique sur lâimpuretĂ© de la richesse ou lâillĂ©galitĂ© du prĂȘt Ă intĂ©rĂȘt. LâAssurance, 1865, p. xvii. De mĂȘme, quand il dĂ©fendait le mariage exclusivement civil ou les enterrements civils, en soutenant que personne ne doit ĂȘtre obligĂ© de payer les priĂšres quâil ne consomme pas, il ne sombrait pas dans lâextravagance, mais promouvait une rĂ©forme de justice. Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 29 octobre 1878 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 251-252. Enfin, il ne sera pas dĂ©savouĂ©, malgrĂ© ses motifs, quand on le verra plaider pour le financement privĂ© des cultes, et quand on lira lâargument selon lequel lâĂtat, Ă©tant une association gĂ©nĂ©rale pour la rĂ©pression du crime et la dĂ©fense du sol, ne doit pas se mĂȘler de sauver les Ăąmes. Le ProgrĂšs, 1864, p. 221 Peut-ĂȘtre certains des plus obstinĂ©s contre lui porteront-ils eux-mĂȘmes Ă son crĂ©dit la longue lutte quâil a menĂ©e dans les journaux contre certaines aberrations de lâesprit, qui se propageaient Ă lâĂ©poque en dehors de la religion. MĂ©diums, somnambules, devins, cartomanciens, interprĂštes de songes toutes ces Ă©lucubrations se propageaient alors et disposaient de leurs propres journaux ; About en compte jusquâĂ dix, et, dans le nombre, dit-il, pas un qui sâimprime Ă Charenton », le cĂ©lĂšbre asile pour les aliĂ©nĂ©s Causeries, vol. II, 1866, p. 233. Ici se prĂ©sentent les faiseurs de miracles, comme les frĂšres Davenport, qui mĂ©ritent dâĂȘtre dĂ©masquĂ©s, parce quâils sâenrichissent de la bĂȘtise humaine la plus crasse ; lĂ se tiennent les mĂ©diums, les spiritistes, qui invoquent les spectres, font parler les morts, et forcent Socrate, CicĂ©ron ou Lamennais, Ă Ă©crire en français mĂ©diocre un supplĂ©ment Ă leurs Ćuvres posthumes. Idem Ce mysticisme pour les esprits faibles, les vieillards et les femmes, serait peut-ĂȘtre Ă laisser en paix, sâil ne menaçait pas le fonctionnement normal de la sociĂ©tĂ©, en renversant les promesses donnĂ©es, en dĂ©pouillant des hĂ©ritiers lĂ©gitimes ou en jetant sans direction dans les opĂ©rations de la Bourse des fortunes patiemment acquise et qui sây dissipent. Idem, p. 247-248 Mais lorsque ses ravages sont connus, les hommes de bonne volontĂ© ont bien le droit dâavertir les esprits niais quâon les trompe. Tout au long de sa croisade anti-religieuse, Edmond About a Ă©tĂ© accusĂ© de fouler aux pieds la libertĂ© de conscience. Il sâen est dĂ©fendu Ă plusieurs reprises. En discrĂ©ditant les aberrations du mysticisme, dâabord, il ne condamnait pas ses adeptes Ă la pĂ©nitence ou au mĂ©pris ; au contraire il demandait la bienveillance, et se contentait de donner des avertissements, semblable Ă celui qui a observĂ© la force de la houle et conseille aux baigneurs de prendre garde. Ce nâest pas attenter Ă la libertĂ© des moutons que de crier au loup ! » Ă©crivait-il au cours de sa controverse contre le spiritisme. Causeries, vol. II, 1866, p. 266 Il ne mobilisait pas un autre argumentaire lorsque, ayant acceptĂ© la concurrence des Ă©coles religieuses pour lâenfance, oĂč il sâagissait surtout de lecture et dâĂ©criture, il refusait absolument que lâĂglise puisse se mĂȘler de lâenseignement secondaire. Quoique sa prĂ©fĂ©rence fĂ»t toute accordĂ©e Ă lâenseignement libre, il reconnaissait Ă lâĂtat lui-mĂȘme une supĂ©rioritĂ©, Ă cet Ă©gard, sur lâenseignement religieux. Tout est perfectible dans lâĂtat », expliquait-il, tout est immuable dans lâĂglise. Lâenseignement laĂŻque fĂ»t-il organisĂ© le plus sottement du monde, subordonne tous ses programmes Ă lâautoritĂ© du progrĂšs. Il peut ĂȘtre myope, maladroit, traĂźnard, musard et occupĂ© de cent niaiseries ; il conserve malgrĂ© tout le vague instinct de la route Ă suivre il marche en trĂ©buchant vers le but de lâhumanitĂ© qui est lĂ -bas, en avant. Lâenseignement clĂ©rical place le but en arriĂšre. Donc, plus il est habile, insinuant et caressant, mieux il Ă©gare la jeunesse. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 402 Aussi, la libertĂ© ne pouvait ĂȘtre attribuĂ©e Ă une institution qui avait pour vocation et pour rĂ©sultat de tromper son jeune public et dâĂ©garer leur esprit, et pour se servir dâune expression populaire, la libertĂ© ne pouvait ĂȘtre donnĂ©e aux ennemis de la libertĂ©. AssurĂ©ment », Ă©crivait-il pour sâexpliquer, la libertĂ© est la plus noble chose du monde. Toutes les libertĂ©s me sont Ă©galement chĂšres, sauf une cependant la libertĂ© de ceux qui me guettent la nuit, au coin de la rue, pour me tordre le cou. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 7 dĂ©cembre 1879 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 288-289. Et il visait lâĂglise catholique dans cette dĂ©nonciation. [La face sombre dâAbout. Ses compromissions] Edmond About est comme tout homme qui pense un auteur chez qui les qualitĂ©s et les dĂ©fauts sâentremĂȘlent. Lecteur averti, observateur perspicace, il paraĂźt parfois soutenir machinalement les bons principes ; câest toutefois une sĂ©curitĂ© de façade, une force de conviction qui cache le dĂ©faut de lâenthousiasme et de la prĂ©cipitation. Ses capacitĂ©s de prĂ©diction, de mĂȘme, Ă©taient mĂ©diocres. Il a passĂ© sa vie Ă prĂ©dire des Ă©vĂ©nements qui se sont dĂ©roulĂ©s selon une sĂ©quence prĂ©cisĂ©ment contraire. La destruction du monopole de la boucherie, de la charcuterie, et quelques autres, sous lâimpulsion de NapolĂ©on III, lui fit croire par exemple que la tendance naturelle du progrĂšs ne connaĂźtrait plus de revirement, et il promettait Ă la gĂ©nĂ©ration qui le lisait quâelle verrait tomber tous les privilĂšges. Le ProgrĂšs, 1864, p. 288 En 1868, il Ă©crivait pareillement que le socialisme a livrĂ© son dernier combat sous nos yeux, en juin 1848. Il est non seulement vaincu, mais dĂ©sarmĂ© par le progrĂšs des lumiĂšres et le redressement des esprits. » A B C du travailleur, 1868, p. 155 Enfin, dans son analyse de la politique europĂ©enne, il appela de ses vĆux pendant des annĂ©es des rapports dâouverture et de confiance avec lâAllemagne cette fois la rĂ©futation par les faits se passerait sous ses yeux, et elle serait amĂšre. Dans le domaine de la thĂ©orie, About a tant Ă©crit que les contradictions ne sauraient nous Ă©tonner ce qui marque davantage, câest la persistance de certaines convictions quâau regard des principes ordinairement dĂ©fendus par les libĂ©raux français, on peut appeler proprement hĂ©tĂ©rodoxes. Ainsi, lorsquâil refuse Ă lâĂglise catholique la libertĂ© de participer au marchĂ© concurrentiel de lâenseignement secondaire, il paraĂźt compromettre ses principes au profit de ses convictions. Il nâen est pas autrement, lorsquâil sâenthousiasme pour le mĂ©canisme de lâassurance sur la vie, et que, regrettant le retard des compagnies privĂ©es Ă cet Ă©gard, il se tourne du cĂŽtĂ© de lâĂtat pour un rĂŽle de facilitateur. Le capital pour tous, 1868, p. 22 On peut classer les compromissions dâEdmond About dans deux grandes catĂ©gories, qui correspondent aussi Ă deux pĂ©riodes distinctes de sa vie. Dans la premiĂšre, jeune Ă©crivain ambitieux, il se lie au pouvoir en place et produit des Ćuvres de circonstance, dans lesquelles il loue servilement la personnalitĂ©, les accomplissements et les projets de lâempereur, comme le ferait non un intellectuel, mais un fidĂšle et un protĂ©gĂ©. Dans la seconde, son patriotisme enflammĂ© par les Ă©vĂšnements le conduit Ă des propositions peu consensuelles. [About le courtisan] About affirme lui-mĂȘme, dans lâun des passages de ses Ćuvres, quâil nâest pas homme Ă se compromettre ou Ă flatter servilement je ne suis pas de ceux qui usent leurs pantalons aux genoux », Ă©crit-il exactement Causeries, vol. II, 1866, p. 148. Ce type de formule ne doit pas nous en imposer, pas plus que la grande et cĂ©lĂšbre profession de foi de Benjamin Constant, sur ses quarante annĂ©es de mĂȘme constance dans la dĂ©fense dâun libĂ©ralisme rigoureux, ne doit convaincre dâemblĂ©e lâhistorien scrupuleux. MĂ©langes de littĂ©rature et de politique, 1829, p. vi Edmond About, qui dâabord publia des articles de journaux critiques envers NapolĂ©on III, en devint plus tard un sympathisant, et Ă©crivit plusieurs ouvrages sous son influence et son patronage, sinon tout Ă fait sous sa dictĂ©e. Câest le cas de La question romaine 1859, de La nouvelle carte de lâEurope1860 ou de La Prusse en 1860 1860. Sa conversion avait Ă©tĂ© facilitĂ©e par son opposition de jeune homme aux exaltations rĂ©volutionnaires, et au fait que sâil pensait que la rĂ©publique Ă©tait un joli gouvernement, il croyait aussi quâon doit prendre le temps comme il vient et tirer le meilleur parti possible du gouvernement que lâon a. » Lettres dâun bon jeune homme Ă sa cousine Madeleine, 2e Ă©dition, 1861, p. iii Pour un temps, ce grand artisan du progrĂšs et des libertĂ©s humaines sâabaissait Ă vanter la grandeur et la force, semblable Ă cette Ă©glise catholique dont il avait mĂ©dit en notant, dans les placards du ProgrĂšs, que qui dit clergĂ©, dit prudence et respect du pouvoir tant quâil est fort ». BibliothĂšque de lâInstitut, Ms. 3984Lui-mĂȘme trouvait alors Ă justifier le pouvoir autoritaire de lâempereur. Il est vrai que lâempereur NapolĂ©on travaille Ă la grande et Ă la prospĂ©ritĂ© de la France avec un pouvoir trĂšs Ă©tendu », Ă©crivait-il. Mais ce pouvoir, câest la nation qui le lui a confiĂ©. Y a-t-il dans toute lâAllemagne un seul prince qui soit le dĂ©putĂ© de la nation, Ă©lu comme NapolĂ©on III par le suffrage universel ? Il est vrai que la majoritĂ© des Français obĂ©it, et mĂȘme avec un certain empressement, Ă lâempereur NapolĂ©on. Mais cette obĂ©issance est Ă©gale pour tous, comme lâobĂ©issance aux lois, comme le paiement des impĂŽts. Câest une obĂ©issance dĂ©mocratique, parce quâelle a Ă©tĂ© votĂ©e dâavance par tout le monde, et parce que nul Français nâa le droit de sây soustraire. » La Prusse en 1860, 1860, p. 18 Cette obĂ©issance dĂ©mocratique », et autres bassesses indignes de lui, valurent Ă About des mĂ©disances et des reproches. LâĂ©chec retentissant de GaĂ«tana 1862, dont il a Ă©tĂ© parlĂ© prĂ©cĂ©demment, nâeut dâailleurs par dâautre cause. Si la jeunesse parisienne a refusĂ© de voir cette piĂšce se jouer paisiblement, racontera un Ă©tudiant, ce nâest pas pour des dĂ©fauts de style ou dâintrigue. Nous nous bornons Ă ne pas aimer votre caractĂšre politique ; et voilĂ pourquoi GaĂ«tana a Ă©tĂ© sifflĂ©e. » Ă Monsieur E. About. Lettre dâun Ă©tudiant, 1862, p. 12 Revenu, peu Ă peu, de cet enthousiasme mal placĂ©, About fit amende honorable, avouant beaucoup de sottises ». Jâen ai fait par paroles, par actions et par Ă©crit. Il y a lĂ , dans la bibliothĂšque, vingt-cinq volumes dont les trois quarts auraient pu se dispenser de naĂźtre. Que dâerreurs, de contradictions, de malices inutiles et de violences dangereuses ! Combien dâengouements dont on est revenu, et de sĂ©vĂ©ritĂ©s sur lesquelles on voudrait pouvoir revenir ! Baste ! ce qui est fait est fait ; tous nos actes se tiennent par un enchaĂźnement nĂ©cessaire. Le plus clair de tout ceci est que jâai rudement travaillĂ© ; que je nâai jamais exprimĂ© une pensĂ©e qui ne me parĂ»t vraie dans le moment ; que mes sottises les moins vĂ©nielles nâont guĂšre nui quâĂ moi-mĂȘme, et que je puis me les pardonner, car elles ne mâempĂȘchent pas dâĂȘtre heureux. Quand je passerais une autre douzaine dâannĂ©es Ă corriger ce que jâai fait, le monde nâen irait pas mieux. Le parti le plus sage est de tourner le dos au passĂ©, de voir le bien qui reste Ă faire, les vĂ©ritĂ©s qui restent Ă dire, et de choisir son lot dans cet Ă©norme travail. » Causeries, vol. II, 1866, p. 338-339. Il nâen continua pas moins de louer certaines actions de NapolĂ©on III, et de sâassocier Ă nombre de ses projets de rĂ©formes ; mais il le fit avec discernement, en symbiose avec les principes de libertĂ© quâil chĂ©rissait et dont il sâĂ©tait fait le populaire dĂ©fenseur. Ainsi, il pouvait lĂ©gitimement fĂ©liciter lâempereur dâavoir Ă©crit ce crĂ©do remarquable, selon lequel il faut Ă©viter cette tendance funeste qui entraĂźne lâĂtat Ă exĂ©cuter lui-mĂȘme ce que les particuliers peuvent faire aussi bien et mieux que lui. » Le ProgrĂšs, 1866, p. 177 De mĂȘme, il pouvait vanter dans lâA B C du travailleur la suppression des passeports, la libertĂ© de la boulangerie, de la boucherie, de lâimprimerie, de la librairie et des entreprises dramatiques ; lâabolition du monopole qui avait accaparĂ© les voitures de Paris ; le droit de coalition qui permet aux ouvriers de lutter Ă armes courtoises, mais Ă©gales, avec leurs patrons ; la libertĂ© du courtage ; la fin du maximum qui rĂ©gissait la vente du pain ; et enfin une rĂ©volution radicale dans le systĂšme douanier. A B C du travailleur, 1868, p. 162 Et quant au pouvoir personnel de lâempereur et Ă son autoritĂ© sans bornes, About la plaçait dĂ©sormais sous la responsabilitĂ© du bon peuple de France, qui fut assez bĂȘte pour signer par deux fois un bail indĂ©fini et sans conditions avec le premier homme qui fĂ»t venu lui offrir un peu de sĂ©curitĂ©. Causeries, vol. II, p. 186-187. [Bellicisme] Venons-en dĂ©sormais Ă la deuxiĂšme Ă©poque des compromissions dâEdmond About. En 1860, celui-ci promouvait une politique dâamitiĂ© avec lâAllemagne ; câest un errement dont il revint. Mais lorsque la menace dâune absorption de lâAllemagne par la Prusse se dessina, son nationalisme et sa ferveur ne connurent plus de bornes, et il sâengagea par la plume pour la dĂ©fense de lâidĂ©e dâune guerre protectrice. Certes, le conflit franco-prussien allait Ă©craser les dissentiments doctrinaux, et les pacifistes eux-mĂȘmes se trouveraient impuissants. Mais sans doute y a-t-il plus dâhonneur Ă sâĂȘtre trouvĂ© aux cĂŽtĂ©s de FrĂ©dĂ©ric Passy ou de Joseph Garnier, Ă©crivant au Roi de Prusse en octobre 1870 pour quâil cesse les hostilitĂ©s et Ă©coute leurs raisons FrĂ©dĂ©ric Passy, Historique du mouvement de la paix, 1904, p. 35, plutĂŽt quâĂ avoir, comme About, pestĂ© contre le parti des doux », qui refusent la guerre ou font dâimmenses efforts pour lâĂ©viter. La guerre est une triste nĂ©cessitĂ©, dâaccord », Ă©crivait-il dans sa ferveur. Il est Ă souhaiter que les nations rĂšglent leurs intĂ©rĂȘts Ă lâamiable ; mais tant quâil y aura des ambitieux et des violents sur les trĂŽnes, il faudra bien opposer le chassepot au fusil Ă aiguille, et prĂȘter main forte au bon droit⊠Le paysan, lâouvrier, le marchand ont cent raisons pour une dâaimer la paix, mais lorsquâils sentent que lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral est en danger, ils ne se dĂ©pensent pas en pleurnicheries humanitaires, ils nâĂ©piloguent pas sur les prĂ©textes, ils ne demandent pas si le gouvernement a besoin de se refaire une popularitĂ© ; ils disent tout simplement va pour la guerre ! Faisons-la bonne, puisquâil nây a pas moyen de lâĂ©viter, et plaise Ă Dieu que celle-ci soit la derniĂšre ! » Le Soir, 17 juillet 1870. Lorrain de naissance, devenu parisien par nĂ©cessitĂ©, About fut surtout un Alsacien dâadoption, et câest dans sa demeure de la Schlittenbach commune de Saverne quâil Ă©crivit la plupart des ouvrages qui forment le fond de cet article. La dĂ©faite de la France entraĂźnait donc Ă sa suite, non seulement un dĂ©menti formel Ă ses Ă©lucubrations diplomatiques du dĂ©but des annĂ©es 1860, mais aussi la fin de sa vie paisible en Alsace. Câest ce qui explique, sans toutefois la justifier, la grande ardeur quâil dĂ©montra durant la douzaine dâannĂ©es qui lui restait Ă vivre, contre tout projet de rapprochement avec lâAllemagne ou dâaccord, dâaccommodement avec ce pays ennemi. CâĂ©tait, de son point de vue, une question dâhonneur national. Quel que soit lâintĂ©rĂȘt qui puisse nous conseiller un jour de rechercher ou dâaccepter lâalliance des Allemands, nous ne le pouvons pas ; lâhistoire nous flĂ©trirait comme une nation de pleutres. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 18 novembre 1884 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 390 [Colonialisme] Ce mĂȘme motif de lâhonneur national fit prendre Ă lâengagement dâAbout un nouveau tour curieux une fois la guerre franco-prussienne terminĂ©e. Dans le ProgrĂšs, il avait dĂ©fendu le droit populaire et lâindĂ©pendance des nationalitĂ©s, soutenant mĂȘme que rĂ©volutionner les gens malgrĂ© eux, câest encore les opprimer. Chaque association dâhommes est maĂźtresse de ses destinĂ©es. Si quelquâun se complaĂźt dans lâobĂ©issance ou dans la dĂ©pendance, personne nâa le droit de lâaffranchir contre son grĂ©. » Le ProgrĂšs, 1864, p. 461, 435. Sur un autre plan, il avait, ainsi quâil a Ă©tĂ© expliquĂ©, affirmĂ© la solidaritĂ© des peuples de toutes les couleurs et de toutes la nationalitĂ©s, et il se disait opposĂ© Ă lâidĂ©e de lâinĂ©galitĂ© des races LâAssurance, 1865, p. 29 ; Causeries, vol. II, 1866, p. 345. Ă cette Ă©poque, il remarquait quâau centre de lâAfrique ou sur quelques Ăźles de lâOcĂ©anie se trouvaient des peuplades que lâangle facial, le volume du cerveau et les facultĂ©s intellectuelles plaçaient encore, disait-il, au niveau du gorille, ou peu sâen faut, et il les appelait les traĂźnards de lâarmĂ©e » Le ProgrĂšs, 1864, p. 17-18. Mais câest surtout la dĂ©faite de 1870 qui crĂ©a chez lui ce besoin vital du rebond ; et comme une grande partie de sa gĂ©nĂ©ration, câest dans la colonisation quâil trouva lâopportunitĂ© de ce sursaut dâhonneur national. Ses biographes sâaccordent pour dire que dans les derniĂšres annĂ©es de sa vie, Edmond About a Ă©tĂ© un dĂ©fenseur passionnĂ© de la colonisation, et que ce thĂšme devint alors lâun de ses favoris. Albert ThiĂ©baut, Edmond About, 1936, p. 172 ; Rey, EdmondAbout ou les tribulations dâun petit-fils de Voltaire au XIXe siĂšcle, 2003, p. 301. Il devint mĂȘme prĂ©sident de la SociĂ©tĂ© française de colonisation, fondĂ©e primitivement Ă Brest en juillet 1883 par M. Froger, professeur Ă lâĂcole navale. Ă cette Ă©poque, ses convictions sâĂ©taient raidies, et les vieilles apprĂ©hensions quâil avait manifestĂ©es dans certains de ses ouvrages, notamment sur la mĂ©diocre et incertaine » compensation que la Cochinchine offrait Ă la perte de Madagascar, oĂč les Français sâĂ©taient ruĂ©s en masse au profit des jĂ©suites qui nous taillent des croupiĂšres Ă Paris », Ă©taient abandonnĂ©es au profit dâune conviction plus sereine Le ProgrĂšs, 1864, p. 322 et 476. La dĂ©chĂ©ance nationale, symbolisĂ©e par la dĂ©faite, avait blessĂ© sont cĆur patriotique ; or il fallait offrir autre chose Ă la France, cette grande et malheureuse nation dĂ©membrĂ©e, ruinĂ©e, humiliĂ©e, relĂ©guĂ©e au second ou au troisiĂšme rang des puissances europĂ©ennes », et Ă son peuple, privĂ© de destin, et jouissant alors du triste avantage de nâĂȘtre rien. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 21 septembre 1877 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 183 ; Idem, Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 30 mai 1876 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 106 Son programme colonial sâĂ©tablissait ainsi dans la certitude, quoique dans les modalitĂ©s About accorda une large place aux circonstances politiques. Ses articles, dans les journaux auxquels il a contribuĂ© ou quâil a dirigĂ© Ă cette Ă©poque, professent la nĂ©cessitĂ© de tirer parti des occasions, afin dâaccomplir un projet conçu comme vital pour le pays. SerrĂ©s, contraints, presque Ă©touffĂ©s dans nos nouvelles et dĂ©plorables frontiĂšres », Ă©crit-il par exemple, les Français de 1883ne peuvent respirer librement que loin dâici. Nosvieilles colonies sont mortes, ou bien malades. Il nous faut Ă tout prix en crĂ©er de nouvelles, sous peine de glisser au rang des peuples dĂ©chus. Le dernier ministre Ferry nous a donnĂ© la Tunisie que nous tenons et que nous garderons, quoi quâil en coĂ»te. LâexpĂ©dition de M. de Brazza nous promet une France africaine au Congo il faut la prendre. Nous avons des droits incontestĂ©s sur lâĂźle de Madagascar il faut les maintenir. Le protectorat du Tonkin sâimpose aux maĂźtres de la Cochinchine il faut nous Ă©tablir au Tonkin. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 9 avril 1883 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 349 About nâen avait pourtant pas perdu sa clairvoyance. Quoiquâil ait pu ĂȘtre lĂ©gitiment tenu pour lâun des responsables, il sâattristait de lâexpansion fĂ©roce et maladroite du territoire colonial français, et il soutenait quâen matiĂšre de colonisation, les gouvernements successifs sâĂ©taient comportĂ©s comme ces enfants Ă qui lâon dit quâils ont eu les yeux plus gros que le ventre. Mieux vaudrait possĂ©der moitiĂ© moins de sujets exotiques, jaunes ou noirs, et quâils fussent plus positivement Ă nous » Ă©crivait-il. Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 18 novembre 1884 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 389 About savait en outre que dans beaucoup de territoires la prĂ©sence française faisait naĂźtre des oppositions dangereuses, et quâen derniĂšre analyse elle absorbait et absorberait encore pendant longtemps des masses de capitaux immenses et un nombre dâhommes considĂ©rable. Mais ces considĂ©rations, qui par le passĂ© nâavaient pas arrĂȘtĂ© Beaumont, Tocqueville et de nombreux autres, ne devait pas non plus renverser sa conviction, fermement ancrĂ©e dans les commandements de lâhonneur national. Aussi, lorsquâil soulignait des errements, des travers ou des fautes, il nâen maintenait pas moins la cause de la colonisation. Câest vrai, le plus clair du profit quâon peut empocher au Tonkin est dans les coups », reconnaĂźt-il ainsi Ă la veille de sa mort. Mais jâaime Ă supposer que la France nâa pas encore abjurĂ© les sentiments chevaleresques qui lâont fait appeler si longtemps la grande nation. » Le Dix-neuviĂšme siĂšcle, 8 janvier 1885 ; Ă©d. Reinach, 1892, p. 394 Ces paroles furent prononcĂ©es quelques mois avant que ne sâouvre au Parlement, tout juste renouvelĂ©, un grand dĂ©bat sur la colonisation, oĂč sâillustrĂšrent Georges Clemenceau, Jules Ferry, et, parmi les libĂ©raux, FrĂ©dĂ©ric Passy. About, mort le 16 janvier 1885, nâassista pas Ă cette furieuse passe dâarmes. [RĂ©cente popularitĂ© de son livre sur la GrĂšce] Avant dâen finir tout Ă fait avec Edmond About, je dois un mot dâexplication sur le rĂ©cent regain de popularitĂ© de son ouvrage sur la GrĂšce. Au dĂ©but des annĂ©es 2010, tandis que ce pays se dĂ©battait au milieu des difficultĂ©s financiĂšres les plus graves, et que les accusations de malversations fusaient en sa direction, lâattention se porta Ă nouveau sur le livre pĂ©tillant dâAbout, publiĂ© pour la premiĂšre fois en 1854, et qui connut ensuite une dizaine de rééditions. Les journalistes et les Ă©ditorialistes se passĂšrent le mot pour dĂ©lecter leurs lecteurs avec des morceaux choisis de cette Ćuvre venue dâoutre-tombe pour les Ă©difier. Les parallĂšles, en effet, Ă©taient frappants. About Ă©voquait dans ce livre un pays vivant dans un Ă©tat de banqueroute permanent, et qui, incapable de lever proprement ses impĂŽts, accumulait des dĂ©ficits depuis plus de vingt ans. La GrĂšce contemporaine, 1854, p. 308-309. Son administration, incapable ou corrompue, prouvait chaque jour quelque quâelle ne savait pas se faire respecter et semblait douter dâelle-mĂȘme. Idem, p. 66 Celui qui a pour seule ambition de flatter les passions de son lectorat et de vendre du papier Ă moindre effort, peut Ă la rigueur sâen tenir Ă ces phrases. Mais pour nous qui analysons les origines et les manifestations de la pensĂ©e libĂ©rale française, nous demandons autre chose que les grands effets du théùtre. La GrĂšce contemporaine fut le premier ouvrage dâAbout. Il lâĂ©crivit entre 25 et 26 ans, aprĂšs un sĂ©jour en GrĂšce qui le lançait dans le monde, ses annĂ©es dâĂ©tude Ă lâĂcole normale tout juste terminĂ©es. Son esprit railleur, sa pĂ©tulance de jeune homme devaient sây reprĂ©senter pleinement. Ayant rĂ©ussi lâagrĂ©gation, mais ne se sentant aucune vocation pour lâenseignement, surtout sous un rĂ©gime tel que celui inaugurĂ© par le coup dâĂtat de Louis-NapolĂ©on Bonaparte, About avait trouvĂ© une Ă©chappatoire dans lâĂcole dâAthĂšnes. Cependant le jeune homme qui dĂ©barqua sur le quai du PirĂ©e le 3 novembre 1852 nâapprĂ©ciait que mĂ©diocrement les antiquitĂ©s et lâarchĂ©ologie, et dans tous ses dĂ©placements il manifestera son allergie aux vieilles pierres. Lorsque six mois plus tĂŽt, il avait visitĂ© lâExposition universelle de Londres, au milieu de ses examens de lâagrĂ©gation, About avait suivi ses penchants ; en montant sur le navire qui lâemmenait en GrĂšce, il ne faisait que saisir une occasion. Dâune nation Ă lâautre, le contraste Ă©tait saisissant, et câest ce qui marqua dâabord About, Ă©pris du progrĂšs, admirateur des beautĂ©s de la civilisation. En Angleterre, il racontait avoir surtout admirĂ© les machines impressionnantes prĂ©sentĂ©es Ă lâExposition. Paul Bonnefon, Edmond About Ă lâĂcole normale et Ă lâĂcole dâAthĂšnes », Revue des deux-mondes, 1915, p. 196 Un tout autre spectacle se prĂ©sentait Ă lui en GrĂšce, comme il le raconte Ă Arthur Bary, son compagnon de voyage Ă Londres. Jâai bien des fois regrettĂ© que vous ne fussiez pas avec moi », lui Ă©crit-il. AprĂšs le spectacle de lâactivitĂ© anglaise et des beaux rĂ©sultats quâelle a produits, vous auriez vu ici le triste tableau des effets de la paresse. AthĂšnes est un horrible village, en comparaison de la plus petite ville dâAngleterre. Point de pavĂ©, point dâĂ©clairage ; des maisons bĂąties Ă la hĂąte avec de la terre, ou, ce qui est pis, avec des chefs-dâĆuvre en dĂ©bris ; une campagne ou inculte ou mal cultivĂ©e les paysans croient avoir assez fait quand ils ont grattĂ© lâĂ©piderme de la terre, et les AthĂ©niens de la ville se croiraient dĂ©shonorĂ©s de porter un fardeau. Ils vont faire les beaux dans la ville et sâĂ©taler au soleil dans leur brillant costume voilĂ la seule occupation qui leur semble digne dâeux. Il y a plus dâhonorabilitĂ© barbarisme anglais dans un ouvrier de Liverpool, noir de charbon, que dans cinquante de ces gens dâopĂ©ra-comique qui pavent les rues ici. Mais je ne veux pas en dire trop de mal avant dâavoir fait plus ample connaissance je ne suis ici que de ce matin. Et sâil faut se garder de juger un homme Ă premiĂšre vue, Ă plus forte raison quand il sâagit dâun peuple. Cependant, quand vous voyez un homme qui sort en savates, vous avez quelque droit de penser mal de lui ; de mĂȘme pour une nation et ici, la ville et la campagne sont en savates. » Idem, p. 199-200. La suite de son sĂ©jour fut pĂ©nible. Dâabord, il fallait accomplir les devoirs de son Ă©tat, et justifier son voyage par lâĂ©criture de quelque mĂ©moire acadĂ©mique, comme celui quâil donna Ă lâAcadĂ©mie des Inscriptions sur Ăgine au point de vue gĂ©ographique, historique et artistique. Allergique aux vieilles pierres, About Ă©tait lâhomme du monde le plus inapte Ă ces travaux, et il avançait dans cette carriĂšre avec la plus grande rĂ©pulsion, voyant son talent frappĂ© dâinertie et se mouvant avec peine, comme une machine sans ressort. Le travail ingrat et stupide auquel je me livre depuis quelques jours mâa fait pousser des pommes de terre dans mon cerveau », Ă©crit-il Ă sa mĂšre en mai 1853, au milieu de lâun de ces travaux. BibliothĂšque de lâInstitut, Ms. 3983, f° 289, lettre du 15 mai 1853. Les travaux officiels lui Ă©taient dâailleurs dâautant plus dĂ©plaisants, quâil sâĂ©tait attirĂ© assez tĂŽt les rages de ses directeurs, pour avoir fait preuve dâune trop grande autonomie. En aoĂ»t 1852, il raconte ainsi avoir reçu des copies de son article sur le buste de David dâAngers. Jâen ai reçu deux exemplaires », Ă©crit-il Ă sa mĂšre, dont jâai portĂ© lâun Ă M. Daveluy qui mâa lavĂ© proprement la tĂȘte. Il mâa remontrĂ© trĂšs vertement quâun fonctionnaire ne doit rien Ă©crire si ce nâest sous la dictĂ©e de son chef immĂ©diat. » Idem, f°80, 16 aoĂ»t 1852. Tout semblait fait pour le dĂ©goĂ»ter. La fin de son sĂ©jour ne pouvait arriver trop tĂŽt. En juin 1853, il lâentrevoyait, et lâamertume dont son cĆur Ă©tait plein, trouvait alors son exutoire. La GrĂšce physique elle-mĂȘme, avec son soleil brĂ»lant et ses paysages superbes, nâĂ©tait pas en cause. Ce nâest pas que jâaime Ă calomnier le pays oĂč je me suis tant ennuyĂ© », disait About, ce pauvre pays, je ne lui en veux pas, il fait de son mieux pour ĂȘtre beau. » Idem, Ă sa mĂšre, f°266, 7 juin 1853. Mais de Paris ou de Londres, il lui manquait les grandeurs de la civilisation matĂ©rielle et la conversation des esprits avancĂ©s. Il y a des moments oĂč je donnerais tout, soleil, olives, ravins, chevaux, pour une petite place au coin dâune cheminĂ©e, entre trois hommes dâesprit et quatre jolies femmes », disait-il alors. Idem. Ă son retour, About fait la rencontre de Louis Hachette, qui lui suggĂšre dâĂ©crire un livre. Il a dĂ©jĂ des notes abondantes et un premier projet dâĂ©criture non continuĂ©. Les choses se passent vite et lâouvrage paraĂźt en 1854. On trouve, dans la GrĂšce contemporaine, un constant besoin de faire de lâesprit, qui emporte parfois lâauteur au-delĂ du vĂ©ridique et mĂȘme du vraisemblable, et on peut le prendre plusieurs fois la main dans le sac, coupable dâavoir raillĂ© pour le seul plaisir de faire un bon mot. Quand il Ă©voque ce Quimper-Corentin glorieux que nous vĂ©nĂ©rons sous le nom dâAthĂšnes » La GrĂšce contemporaine, 1854, p. 95, ou quand il fustige Corinthe, cette seconde AthĂšnes, qui a produit tant de chefs-dâĆuvre et qui ne produit plus que des raisins » Idem, p. 26, il nous dresse plus que la gĂ©ographie de son ennui en GrĂšce il raille, en homme qui aime Ă railler. De façon similaire, quand il marque quâĂ la tĂȘte de lâĂtat, le roi examine les lois sans les signer, la reine les signe sans les examiner » Idem, p. 350, il a cĂ©dĂ© au plaisir de lancer un bon mot. Par consĂ©quent, sâil est capable parfois dâĂȘtre lucide, et si le contre-pied quâil prend des Ă©loges outrĂ©s de la GrĂšce sâavĂšre postĂ©rieurement une position justifiĂ©e, son livre nâest pas celui dâun adversaire dĂ©terminĂ© de la GrĂšce. Câest bien plutĂŽt un sceptique, dĂ©terminĂ© Ă se gausser de tout et quelquefois par consĂ©quent de rien », qui fait le pendant, presque malgrĂ© lui, entre le philhellĂšnisme finissant et le mishellĂšnisme bientĂŽt vainqueur Sophie Basch, Le mirage grec la GrĂšce moderne devant lâopinion française, 1995, p. 115. Au milieu ces deux tendances, About avançait par ses propres forces et en suivant la pente de ses sentiments. Aux Grecs, il reconnaissait de nombreuses vertus, et notamment, dans le domaine politique, lâamour de la libertĂ©, le sentiment de lâĂ©galitĂ©, et le patriotisme. La GrĂšce contemporaine, 1854, p. 61 Il faisait aussi, avec beaucoup de clairvoyance, de ce pays une terre naturelle dâindividualisme, analysant trĂšs bien comment le dĂ©coupage du pays en fractions par les montagnes et la mer, avait dĂ» donner naissance Ă une multitude dâĂtats indĂ©pendants qui favorisĂšrent le dĂ©veloppement des droits humains. Dans chacun de ces Ătats », Ă©crit-il, le citoyen, au lieu de se laisser absorber par lâĂȘtre collectif ou la citĂ©, dĂ©fendait avec un soin jaloux ses droits personnels et son individualitĂ© propre. Sâil se sentait menacĂ© par la communautĂ©, il trouvait refuge sur la mer, sur la montagne, ou dans un Ătat voisin qui lâadoptait. » Idem, p. 55 On peut aussi saluer la comprĂ©hension assez fine quâil manifesta du problĂšme Ă©conomique grec. About parle dâune terre riche, qui ne manque que de capitaux et de routes pour ĂȘtre proprement mise en valeur. Les capitaux ne manqueraient pas, si les affaires offraient quelque sĂ©curitĂ©, si les prĂȘteurs pouvaient compter ou sur la probitĂ© des emprunteurs, ou sur lâintĂ©gritĂ© de la justice, ou sur la fermetĂ© du pouvoir. Les routes ne manqueraient pas, si les revenus de lâĂtat, quâon gaspille pour entretenir une flotte et une armĂ©e, Ă©taient employĂ©s Ă des travaux dâutilitĂ© publique. » Idem, p. 140 Il appelait ainsi le gouvernement grec Ă faire son devoir », en fournissant les services quâun libĂ©ral honnĂȘte, mais non tout Ă fait radical, comme About, devait lui demander construire les infrastructures, et fournir la justice. BenoĂźt MalbranqueVidĂ©o: Sylvie Marx - Tout ce que l'on exprime pas, notre corps l'imprime. Emission du 12/03/2019 TOUT CE QUE L'ON EXPRIME PAS, NOTRE CORPS L'IMPRIME. EMISSION DU 12/03/2019. dĂ©couvrez ma prestation en rapport avec cette vidĂ©o . THĂRAPIE ADIOS ADDICTIONS, TABACOLOGIE, ALCOOLOGIE, ĂCRANS, SUCRE